
Dans la cadre de la Métropole culturelle 2010, le Musée en plein air du Sart-Tilman organise jusqu'au 31 octobre l'exposition « Ennemis publics » : quatre artistes contemporains exposent une œuvre originale dans des lieux emblématiques de la ville de Liège. Avec une idée maîtresse : susciter les réactions et provoquer le débat sur la place de l'art public.
Le titre de l'exposition est volontairement provocateur : ces « ennemis publics », ce sont quatre artistes contemporains, Messieurs Delmotte, Patrick Corillon, Michaël Dans et Michel Couturier, qui ont installé une œuvre dans l'espace public liégeois. « L'art contemporain ne caresse pas le public dans le sens du poil », expliquent les responsables du Musée en plein air du Sart-Tilman, Julie Hanique et Pierre Henrion. « Quand on implante une pièce dans l'espace public elle suscite parfois des réactions violentes. D'où ce titre, qui pose questions : les artistes sont-ils des ennemis publics ? Le public est-il l'ennemi des artistes ? Les rapports sont complexes ! »

Point de controverse sans doute pour l'œuvre de Michel Couturier « Shadow Piece Lighting Tower » : une très grande forme de fibre synthétique posée sur la verrière des galeries Saint-Lambert, comme une étrange ombre portée là par on ne sait quoi. Le « Chemin de halage » de Patrick Corillon, c'est une très longue corde de halage de près de 100 mètres qui s'enroule sur la rambarde du quai de Gaulle, tout à côté de la Passerelle. Elle est parsemée de dix panneaux sur lesquels des dessins naïfs illustrent de jolies comptines dont la poésie installe une vraie sérénité, une forme d'intimité avec le spectateur. Une oeuvre qui s'amourache de la Meuse et installe aussi un étrange rapport d'échelle entre sa longueur et ses instants intimes.

Avec « Entre Nous », de Michaël Dans, le discours se fait plus provocateur : à l'angle de Feronstrée et de la rue des Aveugles, l'artiste a installé cinq pierres de taille en forme de cercueils et de dimensions différentes. « Lors de l'installation de l'œuvre, nous avons eu droit à des réactions très contrastées », sourient Julie et Pierre. « Certains trouvaient cela génial, se couchaient sur les pierres, d'autres affirmaient qu'ils allaient lancer une pétition pour les faire enlever ! »

Place du Marché, Messieurs Delmotte a poussé loin sa réflexion sur le regard du public sur l'artiste en installant de-ci de-là (aux terrasses, dans les arbres, sur les façades) une quinzaine de répliques en latex grandeur nature de sa propre personne : « Le grand public veut du figuratif, je le suis ici à l'extrême, avec cet artiste dans sa décrépitude molle, ce Gaston Lagaffe paresseux ».
« Centre d'Animation et d'Intégration des Arts plastiques en Communauté française », le Musée en plein air du Sart-Tilman, ASBL dépendante de cette dernière et de l'Université de Liège qui a installé en trente ans près de 125 œuvres dans le domaine universitaire, est ici en plein dans sa mission d'exposition, recherche et animation sur l'art public. Et l'ASBL va mener autour de l'expo un travail pédagogique et de médiation : visites d'écoles, visites guidées, rencontres avec les riverains. Un travail photographique et écrit sera également publié sur les réactions suscitées par l'expo.
En attendant, il s'agit de ne pas se priver du plaisir procuré par la rencontre de ces œuvres singulières au cœur de la ville. C'est gratuit et ça secoue!
Pierre Morel
Septembre 2010

Pierre Morel est journaliste indépendant
Exposition jusqu'au 31 octobre
blog : ennemispublics.wordpress.com
Photos : © Dominique Houcmant - pour le Musée en plein air.