Fiction étrangère
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Lajos Zilahy, Les Dukay (Folio)
Traduction de Pierre Singer  (vol. 1&2) et  Gilles Chahine (vol. 3)

Empressez-vous donc de lire Les Dukay, chronique familiale une fois encore mais qui, cette fois, se déroule au lendemain de la Première Guerre mondiale, là où Roth nous avait laissés. Le traité du Trianon a alors réduit la Hongrie à une souveraineté d'opérette, sans commune mesure avec le glorieux passé magyar. C'est le moment choisi par Zilahy pour décrire une excentrique famille d'aristocrates, écartelés entre la nostalgie d'un passé révolu et l'inquiétude d'un avenir incertain : les événements relatés s'étendent donc de la fin de la Première Guerre jusqu'à l'entrée dans la Seconde. Loin de la déploration pourtant, le livre est truffé de passages hilarants, notamment le chapitre consacré à Rere, l' « idiot de la famille ». La grande littérature fraie rarement avec les éclats de joie ; en l'espèce, toutefois, l'auteur parvient à nous arracher des larmes de rire dans un style impeccable. Exprimer des sentiments profonds avec légèreté : voilà la gageure que réussit Zilahy, en cela fidèle à cet esprit si particulier du lieu et de l'époque. (Nicolas Thirion)

 

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Stephan Zweig, La confusion des sentiments (Livre de Poche)
Traduction de Olivier Bournac, Alzir Hella, revue par Brigitte Vergne-Cain et Gérard Rudent

Stephan Zweig, Lettre d'une inconnue (Stock)
Traduction de Olivier Bournac et Alzir Hella revue par Françoise Toraille

Stephan Zweig, Vingt-quatre heures de la vie d'une femme
Traduction de Olivier Bournac, Alzir Hella, revue par Brigitte Vergne-Cain et Gérard Rudent

Le premier – et le principal – compagnon de voyage sera Stefan Zweig, représentant typique de cette espèce que Laurent Seksik, qui a récemment consacré un beau récit aux derniers mois de la vie de l'illustre écrivain (Les derniers jours de Stefan Zweig, Paris, Flammarion, 2010), appelle l'austro-judaïcus, avec, d'abord et avant tout, son autobiographie, Le Monde d'hier. Dans cet ouvrage, terminé en exil au Brésil en 1941, Zweig fait revivre un monde alors disparu, celui de la Vienne de la fin du 19e et du début du 20e siècles : on y croise Hugo Von Hoffmanstahl, Richard Strauss, Gustav Mahler, Sigmund Freud et bien d'autres, qui firent de la capitale de l'Empire le véritable centre du monde dans le domaine des choses de l'esprit. On perçoit également le désarroi de Zweig au moment de la chute de la Kakanie (pour reprendre le mot de Musil, car l'Empereur d'Autriche était simultanément proclamé Roi de Hongrie : il était donc à la fois Kaiser et König) et l'inquiétude croissante qui le saisit lorsque, à la fin des années 1920, les forces politiques les plus belliqueuses, nationalistes et intransigeantes commencent, lentement mais sûrement, à conquérir le pouvoir. Dès 1934, il fuira l'Autriche, pour se réfugier à Londres, puis, après quelques mois passés à New York, rejoindre le Brésil où, le caractère et la volonté brisés par des années d'exil et de peur devant les victoires alors impressionnantes des nazis, il finira par se suicider en compagnie de sa femme. L'art de Zweig n'en atteint pas moins des sommets dans le registre de la nouvelle et du récit : il y décrit souvent des passions dévorantes et destructrices, où l'amour, le jeu, le désir et la perversion semblent se liguer pour précipiter la chute de ses héros. Si on ne l'a déjà fait, on se précipitera en priorité sur La confusion des sentiments (récit, étonnamment moderne pour l'époque – nous sommes alors en 1927 –, d'une passion amoureuse d'un professeur pour l'un de ses étudiants), Lettre d'une inconnue (texte rédigé à la deuxième personne du singulier sous la forme d'une longue lettre, dans laquelle une femme éperdument amoureuse d'un homme qui l'ignore relate la lente descente aux enfers que fut son existence minée par la passion) et Vingt-quatre heures de la vie d'une femme (où la manie compulsive du jeu le dispute à l'irrationalité du désir pour pousser une femme ordinaire à commettre les actes les plus téméraires). Zweig fut aussi un remarquable biographe et l'on pourra emporter dans ses bagages son Fouché ou, si l'on préfère conserver une certaine proximité avec l'Autriche, son Marie-Antoinette : l'austère exactitude historique n'est sans doute pas au rendez-vous mais quel souffle !, quel style ! – porté il est vrai par les tumultes de l'Histoire. (Nicolas Thirion)

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