Fiction étrangère

 

fitzgerald

Francis Scott Fitzgerald, La fêlure (Gallimard, Folio)
Traduction de Dominique Aury et Suzanne Mayoux

C'est un recueil de nouvelles, avec des personnages différents, et parfois récurrents, des Etats-Unis des années 30. Elles se lisent très vite, à la mesure de ces moments de vie, ou de ces vies tout court, dont Fitzgerald rend la temporalité par son écriture elle-même. On s'y brûle les yeux, pour en sortir gonflé à bloc : fêlé à son tour, ouvert à ces instants paradoxaux où l'ordre du temps s'interrompt, se distend et s'accélère à la fois. (Antoine Janvier)

 

visagesnoyes

Janet Frame, Visages noyés (Rivages Poches / Bibl. étrangère)
Traduction de Solange Lecomte

Ce merveilleux livre nous plonge dans l'atroce réalité de l'enfermement psychiatrique. À travers la voix du narrateur, Istina, atteinte de schizophrénie, et par la même occasion la voix de Janet Frame elle-même, qui fut également diagnostiquée schizophrène, nous découvrons un monde flou où les identités se perdent.

J'ai tout particulièrement apprécié ce livre car il a cette fabuleuse capacité de provoquer chez les lecteurs une perpétuelle réflexion et de les amener à une réelle prise de conscience. L'auteur jongle avec le temps et l'imagination tout en nous faisant pénétrer dans les labyrinthes de l'esprit. Je recommande vivement ce livre à tous ceux et celles qui sont prêts à s'aventurer dans les couloirs d'un asile et à sentir l'odeur et les cris de la mort. Dès les premières lignes, grâce au style fluide de cette écrivaine néo-zélandaise, ils seront « noyés » dans l'aventure d'Istina, qui nous révèle entre autres que pour elle « Dying is an adventure, and I've always enjoyed adventures ».  (Laurence Messina)

 

 

sgamboa

Santiago Gamboa, Le syndrome d'Ulysse (Points)
Traduction de Claude Bleton

Près de 80.000 avions traversent le ciel chaque jour dans le monde ; voyager, découvrir de nouveaux horizons, partir tenter sa chance ailleurs n'a jamais été aussi facile qu'aujourd'hui. Une nouvelle ère a commencé : celle de la communication, de l'ouverture, de la croissance et des échanges entre les cultures... Esteban, jeune écrivain colombien, croit en ce nouveau monde et part défier son destin à Paris, capitale de la bohème et du « rêve européen ». Il y vit intensément la misère et la faim, l'amitié, le sexe et le rêve. Mais dans ce roman qui prend parfois des allures autobiographiques, Santiago Gamboa dévoile aussi un aspect moins connu de l'exil : il nous fait vivre l'expérience psychologique de l'émigration, et c'est le cœur serré que nous comprenons que la communication et les échanges culturels sont aussi à l'origine d'une profonde réflexion sur l'identité. Esteban, Jung, Paula deviennent tous bien malgré eux les citoyens d'un « no man's land » : ils ne seront jamais d'ici mais ne sont plus de là-bas. Pour ce roman passionnant, Santiago Gamboa n'aurait pu choisir meilleur titre que ce qui s'annonce comme un des grands maux psychologiques de notre siècle. En refermant Le syndrome d'Ulysse, une question résonne dans notre esprit : heureux l'est-il vraiment, qui, comme Ulysse, a fait un long voyage ? ( Marie Vandermeulen)

 

 

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Alex Garland, La Plage (Hachette littérature)
Traduction de Jeanine Rovet

Des routards fatigués du succès touristique de la Thaïlande partagent une île de rêve avec des trafiquants de drogue. Si tout les oppose, et s'ils se tolèrent réciproquement mais ne se croisent pas, les deux groupes ont tout intérêt à garder leur existence secrète. Mais Richard, un jeune anglais fraîchement posé à Bangkok, reçoit une carte indiquant la position de l'île et décide de s'y rendre après en avoir laissé une copie à deux américains. Sur fond d'imagerie du pêché originel, cette carte réintègre brusquement l'île dans le monde réel. Triste ironie. Ce jardin d'Éden, oublié de tous, condamné à disparaître par sa révélation.

La quiétude sur l'île devient de plus en plus difficile à trouver. Sans jamais baigner dans le morbide, et sur fond d'une guerre du Viêt-Nam idéalisée, séduisante, filtrée par l'héritage cinématographique plus que par un souvenir traumatisant, une psychopathie individuelle autant que collective s'installe peu à peu pour devenir pesante et sanglante.

Cet ouvrage, bien plus que son adaptation cinématographique de Danny Boyle, reste sur le fil du rasoir tout du long. Il y a un déchirement constant, un long cri, un vertige identitaire. Un entre deux constant entre l'occident et l'orient, entre le jour et la nuit, entre le jeu et la guerre, entre le rêve et la réalité, entre la raison et la folie. Plus que tout, c'est un livre de l'évasion. Fuir l'Angleterre, fuir les hauts lieux touristiques, fuir la vérité tangible d'un monde qu'on ne peut supporter, et échouer sur cette plage, où les routards-fuyards se retrouvent face au mur de leur propre psychologie. Et quand on se retrouve presque seul sur une île oubliée des cartographes, on finit par se rendre compte que ce n'est pas le monde, qu'on tentait de fuir et d'oublier, mais sa propre existence. Hérésie morale inéluctablement fatale.  (Philippe Lecrenier)

 

hesse

Hermann Hesse, Narcisse et Goldmund (Livre de Poche)
Traduction de Fernand Delmas

Cet ouvrage peut se lire et se relire avec plaisir. Il pose des questions sur l'art et la vie au Moyen Âge, mais de telle manière qu'il interroge la condition de la culture et de la recherche aujourd'hui. La qualité de la langue et sa simplicité en font un livre accessible à tous et jouissif. (Anne Staquet)

 

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