
Didier Gille, Je ne ramènerai rien de Bamako (À la Découverte)
Je ne ramènerai rien de Bamako est passé presque inaperçu (quoiqu'il ait reçu le prix « Indications »). Une écriture qui me bouleverse par sa sensibilité, sa précision, sa musicalité sobre. On le suit dans une reconstruction autobiographique où chaque moment, c'est-à-dire, chaque rencontre est pour lui une occasion, peut-être même une obligation, de penser. Sans concessions. (Vinciane Despret)

Régis Jauffret, Microfictions (Folio)
J'ai découvert tardivement Régis Jauffret, avec son Asiles de fous, et, depuis, comme pour me dédouaner de l'avoir ignoré si longtemps, j'ai décidé d'aimer ses livres même quand ils sont insupportables. Il fait partie pour moi d'une génération d'écrivains français, pourtant très différents les uns des autres, qui me plaisent beaucoup même quand ils m'agacent (Éric Reinhardt, Emmanuel Carrère, Laurent Mauvigner, etc.). De ce point de vue, les microfictions ne peuvent décevoir puisqu'il s'agit de 500 récits, brefs, voire lapidaires (une page et demie) où l'on passe en une demi-phrase du subtil à l'outrancier, du fulgurant au laborieux, du jubilatoire au sordide. Cela en fait une lecture très éreintante, que je n'imagine qu'en intermède. Il faut retrouver ces microfictions épisodiquement sous peine d'être vite fatigué de la noirceur corrosive avec laquelle Jauffret décrit la folie quotidienne. Mais entre deux autres romans ou essais, j'accueille le cynisme invraisemblable de ces microfictions avec la même gourmandise qu'une tequila bien frappée entre deux tortillas trop salées. (Dick Tomasovic)
Voir l'article : Régis Jauffret, du récit noir fragmenté à la correspondance impossible

Francine Lachance, La Québécie (Éd. Grand-Midi)
Utopie d'aujourd'hui, où l'auteure imagine que le Québec a pris son indépendance, mais en changeant ses valeurs, faisant de la culture le sens de la vie en commun. Le texte, simple dans son langage, mais complexe dans sa structure, offre des pistes intéressantes de réflexion sur la politique. Il a en outre le mérite de remettre en question plusieurs de nos idées toutes faites. (Anne Staquet)

Laurent Mauvignier, Des hommes (Éd. Minuit)
Le dernier roman de Laurent Mauvignier sera un véritable coup de tonnerre dans le ciel bleu de votre été ! Des hommes, publié chez Minuit en 2009, part du souvenir des banquets d'anciens soldats d'Afrique du Nord et des photographies ramenées d'Algérie par les hommes du village, qui évoquent un passé sur lequel pèse une épaisse chape de plomb. Si le roman n'est pas à proprement parler un roman sur la guerre d'Algérie, il tente de comprendre les stigmates qu'elle a laissés sur la génération des appelés du contingent, celle des jeunes hommes français contraints de participer à une guerre qui n'était pas la leur. Le tour de force de Mauvignier est d'articuler au drame collectif l'histoire intime. L'auteur n'oublie pas qu'à vingt ans, au moment de partir à la guerre, ces hommes avaient déjà une histoire. Mais qu'en restera-t-il à leur retour ? Des hommes interroge la peur, l'oppression d'un passé indélébile et le rapport individuel à l'Histoire avec une lucidité terrifiante, qui force l'admiration. Roman français à tous égards, il s'inscrit aussi dans la lignée des grands romans polyphoniques américains, capables de mettre en scène des voix qui supportent le psychologique sans rien ôter à la puissance de l'intrigue. Difficile à lire sur la plage certes, Des hommes est un chef-d'œuvre de littérature et d'humanité qui vaut largement une trêve dans nos divertissements estivaux ! (Sarah Sindaco)
Voir l'article : Mauvignier : Réminiscence des non-dits