L'été en poches

L'été est le moment de modifier son rythme quotidien, par exemple en consacrant davantage de temps à la lecture. Voici quelques bonnes idées de livres de poche récemment parus.

 

Romans français

adam

Olivier Adam, Des vents contraires

La femme du narrateur a disparu sans que l'on ne sache ni où, ni pourquoi – fugue ? suicide ? enlèvement ? –, laissant seul et passablement désemparé ce père de deux enfants, Clément, 9 ans, devenu quasiment mutique, et Manon, 4 ans, inconsolable. Un homme qui, pour ne pas dépérir, revient sur les traces de son enfance en se réinstallant à Saint-Malo où ses parents ont jadis tenu une auto-école aujourd'hui gérée par son frère et sa belle-sœur. Sur son chemin vers une possible réaccoutumance au monde extérieur, et son acceptation, il va rencontrer d'autres âmes en déshérence. Ce roman douloureux et âpre, silencieux et éructant, chahuté comme le climat de la cité bretonne à la veille de Noël apparait comme une forme de renaissance, d'une tentative de retour à la vie. L'auteur de Je vais bien ne t'en fais pas et d'À l'abri de rien, dont un nouveau roman sort fin août, taille dru dans l'épaisseur sociale de l'être humain pour mettre à nu ce qui, intimement, le motive, avec une puissance, une exigence dans l'écriture qui jamais ne se relâche. (Points)

 

assouline

Pierre Assouline, Les invités

Romancier et biographe d'Hergé, de Gallimard ou de Simenon, Pierre Assouline fait preuve d'une subtile connaissance de la psychologie humaine dans sa description du dîner qui constitue la trame de son nouveau roman, en étant tantôt léger, tantôt grave. Pour la légèreté, voire la frivolité, on peut compter sur les invités reçus par Sophie du Vivier dans son appartement du très chic 5e arrondissement parisien : un ambassadeur et sa femme désinhibée, un Académicien français, un patron de papeteries canadiennes, un avocat ou des financiers. Pour la gravité, il faut écouter Sonia, la bonne de « Madamedu » encouragée à déposer son tablier et à se joindre aux convives pour ne pas être treize à table. Cette jeune fille d'origine marocaine, au vrai patronyme évidemment « imprononçable » et que tout le monde appelle non sans mépris par son prénom,  révèle au parterre éberlué que, quand elle ne fait pas « la soubrette », elle prépare une thèse en histoire de l'art à la Sorbonne. Dès lors, entre autres sujets, citations et anecdotes, il sera aussi question, tout au long du repas, de communautarisme et d'intégration. (Folio)

 

emmanuel

François Emmanuel, Regarde la vague

À l'occasion du fastueux mariage de l'un d'eux, trois sœurs et deux frères se retrouvent dans la demeure familiale des environs de Cherbourg. Les parents sont morts – le père a disparu en mer un an auparavant – et la maison va être mise en vente. Le benjamin est un Indien adopté bébé venu « remplacer » celui qui est mort. Plusieurs enfants gravitent autour de ces adultes, dont Hyacinthe, adolescente « différente » qui a été élevée par son grand-père. Dans un style en tous points admirable, de longues phrases traduisant l'intériorité des protagonistes, François Emmanuel passe délicatement de l'un à l'autre, dévoile peu à peu la personnalité de chacun. Une personnalité que leurs retrouvailles, les dernières en ce lieu, vont révéler. Ou pas. D'autres éléments – un tableau disparu, les notes du père – enrichissent encore ce texte d'une grande et captivante force émotionnelle, dont le titre, Regarde la vague, traduit la position de ces hommes et femmes plus ou moins arrivés au mitan de leur vie et obligés de regarder devant eux, pour l'affronter, la vague qui pourrait les submerger.(Points)

 

foglino

Bernard Foglino, La mécanique du monde

« Rapport, secrétaire, et photocopieur » : telle est « la rassurante trilogie » du narrateur de ce roman original et loufoque. Nicolas est en effet réparateur de photocopieurs. Le King, « l'un des meilleurs de tous les temps ». Au fil des jours, il rencontre d'étranges personnages : un type qui tente de l'étrangler avant de lui filer une liasse de billets, un Noir qui veut récupérer la photo qu'il a « volée » de lui ou un clochard qui lui demande mille euros. Licencié pour cause de suppression de son secteur d'activité, il se retrouve face à lui-même, se demandant ce qu'il va devenir. Il ne lui reste plus qu'à découvrir la mécanique du monde. Ce curieux roman devient ainsi une intéressante et inattendue réflexion sur l'identité. (10/18)

 

gaude

Laurent Gaudé, La Porte des Enfers

Dans l'Antiquité, on disait qu'à Naples, un lac d'où émanaient des gaz toxiques dissimulait une porte vers les enfers. C'est elle que franchit en 1980 Matteo afin d'y chercher son fils tué accidentellement par la mafia. Et c'est à ce dernier qu'échoira, vingt ans plus tard, la tâche de se venger de son propre assassinat, à la place de son père qui en avait été incapable à l'époque. La porte des enfers se déroule donc sur ces deux périodes. Filippo, le meilleur préparateur de café de Naples qu'il adapte à chaque humeur, est ainsi le héros de l'une tout en étant le défunt de la seconde qui lui est antérieure dans le temps, ce qui ne manque pas de troubler le lecteur. Ce roman est, pour l'auteur du Silence des Scorta (Prix Goncourt 2004) ou d'Eldorado, l'occasion de réfléchir sur la place des morts dans notre vie. Les enfers sont, sous sa plume, un univers grouillant d'ombres où trainent des morceaux de vivants emportés par les défunts et où seuls ne sont pas précipités dans le néant ceux dont le souvenir est entretenu. (Babel)

 

nsonde

Wilfried N'Sondé, Le cœur des enfants léopards

Originaire du Congo-Brazzaville, Wilfried N'Sondé a reçu en 2007 deux prix pour son premier roman, celui des Cinq continents de la francophonie et le Prix Senghor de la création littéraire. Parce qu'il a été abandonné par la fille qu'il aimait, parce qu'il a bu et, de fil en aiguille, a fait une très grosse bêtise, irréparable, un jeune de banlieue d'origine africaine est en garde à vue dans un commissariat. Lui reviennent des souvenirs d'enfance, son copain Drissa qui a pris le mauvais chemin ou Mireille, son grand amour, qui, elle, a voulu prendre ses distances avec sa propre jeunesse. Ces heures interminables sont aussi traversées par des images venues de plus loin, de « l'ancêtre », son père, et de son grand-père qui a fuit jadis « l'enfer du Congo Océan ». C'est dans la puissance d'une écriture à la première personne en osmose avec un propos dur, qui cherche à comprendre la situation dont il rend compte, que se bref roman puise sa beauté et sa grandeur. (Babel)

 


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