Maxime Chattam, La théorie, Gaïa

Trois scientifiques sont sollicités par la Commission européenne pour une mission confidentielle. Un biologiste généticien et son beau-frère sociologue en dynamique comportementale sont envoyés au Pic du Midi afin de tenter de comprendre la teneur des recherches qui y sont menées en secret par une partie de ses occupants. Au bord de la faillite, le centre de recherche a en effet été racheté par l'institution européenne qui entend en garder la maîtrise. Emma, une paléoanthropologue, se retrouve quant à elle en Polynésie française sur une île peu peuplée devenue le théâtre d'obscures expérimentations. Très vite, les choses se dérèglent. Une tempête empêche les deux hommes de sortir du site et rend bientôt toute communication impossible avec leur épouse et sœur engagée dans une course contre la mort sur son île où elle est traquée par des êtres d'une force herculéenne. On découvre bientôt qu'il est question de manipulations réalisée sur des tueurs en série chez qui des docteurs Mabuse tentent d'isoler le gène de l'agressivité. Le propos est passionnant : jusqu'où, au nom du bien, la science peut-elle aller ? Un suspense stressant par un maître du genre. (Pocket)

Arnaldur Indridason, Hiver arctique

Star dans son pays, traduit dans plus de vingt langues, Arnaldur Indridason est l'inventeur du polar islandais. En effet, avant la création en 1997 du commissaire Erlendur, personnage pessimiste séparé de sa femme, le roman noir n'existait pratiquement pas dans cette île de 300 000 habitants où les meurtres et braquages sont exceptionnels. L'ancien journaliste né en 1961 inscrit ses intrigues dans la réalité islandaise, abordant à chaque fois une question de société : le stockage de données génétiques dans La Cité des jarres (adapté au cinéma), la violence conjugale à l'époque de la Deuxième Guerre mondiale dans La Femme en vert ou des disparitions au temps de la Guerre froide dans L'Homme du lac. Hivers arctique soulève la question d'un nombre croissant d'étrangers qui ne sont pas toujours bien acceptés tandis que son héros enquête sur la disparition inexpliquée d'une femme trompée. (Points)

Hugh Laurie, Tout est sous contrôle

C'est en 1997, alors qu'il est déjà connu pour ses sketchs à la télévision anglaise, qu'Hugh Laurie, alias Docteur House, a commis ce polar hilarant. Thomas Lang, ancien soldat d'élite, est missionné pour tuer un PDG américain accusé de trafic de drogue. Il refuse et, après avoir à moitié dézingué le garde du corps de son ex-future cible qu'il était venu prévenir du danger, il découvre que le commanditaire et sa victime potentielle ne font qu'un. Sans s'en rendre compte, il a mis le pied dans un sinistre business où il est question de ventes d'armes et dont l'ambassade yankee tire les ficelles. On est ici du côté de la parodie, mélange de Monty Python pour le nonsense et l'extravagance de certaines situations et de Woody Allen pour les pensées et répliques du héros dont l'humour, à la fois absurde et frappé au coin du bon sens, est perpétuellement en décalage avec la situation. Car jamais le narrateur, aussi inconfortable que soit sa position, ne perd son flegme ou son art de la répartie. (Points)

Naïri Nahapétian, Qui a tué l'ayatollah Kanuni ?

Née en 1970 en Iran, Naïri Nahapétian a quitté son pays pour la France au lendemain de la Révolution islamique. Et c'est en français qu'elle a écrit son premier roman, Qui a tué l'ayatollah Kanuni ? Ce faux polar – s'il y a bien une enquête autour du meurtre, elle n'est pas le nœud de l'intrigue – est un document de première main sur l'Iran au moment des élections de 2005 qui ont vu la victoire d'Ahmadinejad. Un journaliste revenu pour quelques jours dans son pays natal se trouve malgré lui au centre d'enjeux qui le dépassent. Emprisonné pour avoir parlé à des étudiants, et surtout des étudiantes, le voilà prisonnier d'un régime qui tarde à lui rendre son passeport. Ce n'est pourtant pas lui, le héros de ce roman magnifique, mais une féministe islamique qui, au dernier moment retire sa candidature à l'élection, et un opposant qui, de son côté, mène un combat pour la laïcité. À travers cette histoire, où il est aussi question d'une fondation islamique aux états de service pas très clairs, l'auteur rend admirablement compte de la complexité d'un pays qui n'a pas fini de chercher sa voie. (Piccolo)

Aventure

Irène Frain, Les Naufragés de l'île Tromelin

Entre roman et document, Les Naufragés de l'île Tromelin s'appuie sur deux archives d'époque signalées par Max Guérout, un capitaine de vaisseau qui conduit des recherches archéologiques sur l'île depuis plusieurs années. La première est l'œuvre d'un chirurgien, la seconde d'un écrivain, tous deux membres de l'équipage de L'Utile, un navire armé par la Compagnie des Indes qui, en 1761, suite à l'entêtement de son capitaine, échoue au large de l'île du Danger. Perdu dans l'océan indien à l'est de Madagascar, au nord des îles Bourbon et de France (futures Réunion et Maurice), ce caillou inhospitalier fouetté par le vent est signalé sur trois cartes tout en restant introuvable par les chasseurs d'îles. Le bateau renferme dans ses cales cent soixante esclaves achetés frauduleusement. Ce sont eux qui construisent l'embarcation qui va permettre à cent vingt et un marins, dont la majorité est restée inactive, de regagner en quatre jours les côtes malgaches, les abandonnant à leur triste sort. Seul Castellan, le premier lieutenant du vaisseau, tentera des années durant d'affréter un bâtiment pour aller les rechercher. En vain, le gouverneur de l'île de France ne cessant de s'opposer à sa requête. C'est sous l'insistance du nouveau gouverneur, et après quatre tentatives infructueuses, qu'en 1776 – quinze ans plus tard –, un dénommé Tromelin, qui donnera son nom à l'île, finit par recueillir les huit derniers survivants, sept femmes et un nourrisson. Cette affaire portée par Condorcet sur la place publique jouera un rôle important dans l'abolition de l'esclavage décrété par la Convention le 4 février 1794. (J'ai lu)