L'été en poches

Romans traduits

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Ernest J. Gaines, D'amour et de poussière 

« Je suis né un dimanche pendant la saison de la canne à sucre, et ma mère est repartie aux champs deux ou trois jours après ma naissance. Ces hommes et ces femmes du Sud sont les héros de ma vie : qu'ils aient survécu avec tant de dignité, voilà ce que je cherche à rendre. » Ce sont donc les plantations du sud des Etats-Unis qui constituent le théâtre des romans d'Ernest J. Gaines (né en 1933) que Liana Levi édite progressivement. Huit d'entre eux sont disponibles dans sa collection de poche Piccolo. À chaque fois, l'écrivain se bat pour la dignité des siens, racontant l'esclavage pendant la Guerre de Sécession (Autobiographie de Miss Jane Pittman), s'insurgeant contre l'injustice d'une justice acquise à la cause blanche (Dites-leur que je suis un homme) ou exposant, sous une forme kaléidoscopique, la vie des métayers noirs et ouvriers agricoles (Colère en Louisiane). D'amour et de poussière met en scène deux couples qui se forment au sein d'une plantation, l'un acceptable entre un contremaître blanc et une Noire, l'autre non entre un journalier et la femme du contremaître. Dans son style âpre, râpeux, Gaines recrée un univers étouffant et violent. (Liana Levi Piccolo)

 

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Charles Lewinsky, Melnitz

Charles Lewinsky, né à Zurich en 1946 et dont c'est le premier livre traduit en français, retrace un morceau d'histoire de son pays à travers le destin de plusieurs générations d'une famille juive. L'oncle Melnitz meurt au moment où l'histoire commence, en 1871. Ce qui ne l'empêche pas de régulièrement resurgir au moment des événements importants tout au long de ce roman qui se referme en 1945, au lendemain d'un conflit auquel la Suisse a échappé. Donc également sa communauté juive qui n'a pas, comme celles du continent européen, subi de rupture. Janki, juif français rescapé de la guerre franco-prussienne, arrive chez un lointain oncle, Salomon, qui travaille comme marchand de bestiaux dans l'un des deux villages où, jusqu'en 1869, les juifs étaient contraints de vivre. Ouvrant un magasin de « tissus de Paris » dans la petite ville proche, il initie un mouvement d'émancipation qui ne s'arrêtera plus. Ses descendants emprunteront des chemins divers. L'un se convertira au christianisme pour mieux s'intégrer dans la « bonne société » suisse, une autre choisira les Etats-Unis et l'engagement syndicaliste, d'autres encore le sionisme, Israël ou la voie théologique.  (Le Livre de Poche)

 

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Jordi Soler, La dernière heure du dernier jour 

Jordi Soler a été révélé au public francophone avec Les exilés de la mémoire dont le théâtre est la guerre civile espagnole et la répression franquiste. Ici, mêlant à nouveau fiction et réalité, l'écrivain mexicain raconte la vie en exil d'émigrés catalans dans la jungle mexicaine. Soler n'est pas Sud-américain pour rien, les aventures contées sont joyeusement loufoques, ce qui n'empêche pas la mélancolie. Le point de départ est le retour du narrateur, qui vit à Barcelone, dans le pays où a émigré son grand-père en 1940 pour échapper au franquisme. Il crée une plantation de café en pleine jungle mais jamais il ne sera vraiment accepté par des autochtones auxquels l'auteur taille allègrement quelques croupières. Dès lors, pour ces exilés, l'alcool devient bientôt un précieux adjuvant. Dans ce roman foisonnant aux phrases souvent longues, c'est la fantaisie qui cherche toujours à s'imposer. Même dans les situations dramatiques. (10/18)

 

 

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Stefan Zweig, Voyage dans le passé

Jamais traduit en français, ce bref roman écrit à la fin des années 1920 rappelle que l'écrivain autrichien qui s'est donné la mort au Brésil en 1942 à l'âge de 60 ans était passé maître dans l'introspection psychologique. Comme souvent, chez l'auteur de Vingt-quatre heures de la vie d'une femme ou du Joueur d'échecs, l'histoire tient en quelques mots : des années après leur séparation, un homme et une femme se retrouvent. Avant-guerre, Louis est tombé amoureux de la jeune épouse de son patron malade, riche directeur d'une grande usine à Francfort chez qui il est venu vivre, passant de la pauvreté à un univers opulent. Il est soudain éloigné de son aimée par une mission de deux ans au Mexique. Ces deux années pendant lesquelles les amoureux – pas encore amants – ne cessent de s'écrire vont finalement en durer neuf à cause de la guerre, amenant le prospère entrepreneur à fonder une famille sur place. Sans jamais oublier, pourtant, son premier amour. Lors d'un voyage d'affaires en Allemagne, c'est donc tout naturellement qu'il cherche à revoir celle qui, entretemps, est devenue veuve. On est de bout en bout bluffé et intensément ému par la profondeur de ce récit, par la pénétration psychologique d'une écriture qui ne cesse de fouiller les moindres recoins de la conscience – ou de l'inconscient – des personnages, et d'abord de Louis dont nous adoptons le point de vue. (Le Livre de Poche)

 

Nouvelles

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La Belgique de l'étrange 1945-2000 

Dix-sept auteurs sont réunis – et longuement présentés – par Eric Lisoe dans ce quatrième tome consacré à « l'école belge de l'étrange ». Une école passionnante en ce qu'elle propose un fantastique d'autant plus inquiétant qu'il n'est qu'une légère distorsion de notre réel. Parmi des noms plus ou moins familiers dont on redécouvre avec plaisir des textes – Jacques Sternberg, Jean-Baptiste Baronian, Guy Vaes, Albert Dasnoy, Gaston Compère, Jean Muno, Paul Willems, Nadine Monfils, André-Marcel Adamek –, on en croise d'autres qui le sont nettement moins comme David Scheinert (d'origine polonaise, Prix Rossel 1961), Bernard Manier (né à Twickenham), Liliane Devis ou Dominique Warfa. On découvre ainsi que si les univers de ces écrivains sont reliés par un même fil, les formes littéraires investies sont très variables et c'est ce qui donne son prix à leur « école » informelle. (Espace Nord)

 
 
deduras

Madame de Duras, Ourika 

C'est en 1824 que Claire de Duras (1176-1826) publie anonymement ce bref récit, confession d'une jeune religieuse « rapportée du Sénégal » à l'âge de deux ans par un noble français qui l'a achetée au moment où elle embarquait sur un bateau négrier. Élevée dans la bonne société, elle découvre sa différence à 12 ans en s'entendant qualifiée de « négresse ». Elle se rend alors compte qu'elle ne sera jamais comme les autres, et même la Révolution ne lui sera pas salutaire. Condamnée à la solitude, déçue par un amour impossible, elle entre dans les ordres. Ce texte antiraciste, profondément romantique et d'une subtile finesse psychologique, n'a guère perdu, deux siècles plus tard, de son actualité. (Folioplus Classique)

 

 

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