Naît-on homosexuel ?

Dans un ouvrage récemment sorti de presse, le professeur Jacques Balthazart, du GIGA-neurosciences de l'ULg, considère que l'homosexualité n'est pas un choix de vie, mais le fruit d'un déterminisme biologique découlant d'influences prénatales.

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Où se situent les racines de l'homosexualité ? Dérivée des idées freudiennes et postfreudiennes, la théorie la plus communément admise postule que cette orientation sexuelle est principalement, si pas exclusivement, chevillée à la petite enfance, aux apprentissages et interactions qui s'y déroulent, et plus particulièrement aux interactions du jeune enfant avec ses parents.

Dans son livre Biologie de l'homosexualité - On naît homosexuel, on ne choisit pas de l'être1, le professeur Jacques Balthazart, chercheur au sein du GIGA-neurosciences de l'Université de Liège, conteste cette thèse, estimant qu'elle n'est corroborée par aucune étude quantitative contrôlée et qu'elle fait fi des données, aujourd'hui foisonnantes, de la littérature scientifique.

Précisément, quelle voie semblent tracer ces données biologiques issues essentiellement de la clinique humaine et de l'expérimentation animale ? Celle qui conduit Jacques Balthazart à affirmer que l'homosexualité dépend largement d'influences prénatales de trois types : hormonales (principalement), génétiques et peut-être immunologiques.

L'auteur admet qu'il n'existe aucune preuve formelle que l'homosexualité humaine soit conditionnée par le milieu hormonal auquel est exposé l'embryon. En revanche, il considère qu'on ne peut plus guère en douter, eu égard au faisceau d'arguments concordants en faveur de cette explication. Pour lui, l'homosexualité, contrairement à ce que d'aucuns avancent, n'est donc ni une « maladie » ni une déviance, pas plus que le fruit d'une attitude inappropriée des parents envers le jeune enfant en croissance. Le déterminisme biologique auquel il se réfère rend caduques les thèses homophobes et devrait déculpabiliser les homosexuels et leurs parents. Du moins l'espère-t-il.

Toutes les études scientifiques montrent que l'orientation sexuelle des mammifères résulte du milieu hormonal de la période embryonnaire. En outre, elle est contrôlée par un noyau sexuellement dimorphique, situé dans l'aire préoptique du cerveau, dont la taille est déterminée par le taux de testostérone embryonnaire. Chez l'animal, l'homosexualité peut être induite expérimentalement par lésion de ce noyau ou par manipulation des hormones prénatales ; elle est alors irréversible.

L'être humain possède un noyau sexuellement dimorphique similaire à celui des rats, des gerboises, des furets ou des moutons et, comme dans ces espèces, cette structure cérébrale est plus volumineuse chez l'homme que chez la femme, mais de taille typiquement féminine chez les hommes homosexuels. D'où l'idée qu'il s'agirait d'un marqueur de l'homosexualité masculine.

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Selon Jacques Balthazart, d'autres particularités morphologiques et physiologiques révélatrices du contexte hormonal prénatal sont associées à l'homosexualité. Il donne notamment l'exemple de la taille relative de l'index et de l'annulaire. Chez la femme hétérosexuelle, ces deux doigts sont en moyenne de longueur à peu près égale, mais pas chez la femme homosexuelle où l'index est plus court que l'annulaire, comme chez l'homme.

Le neurobiologiste de l'ULg ne croit pas à l'existence d'un gène de l'homosexualité, mais il souligne que les études de jumeaux mettent en évidence que le patrimoine génétique n'est pas étranger à l'orientation sexuelle. Une région du chromosome X, baptisée Xq28, semble entre autres impliquée dans l'homosexualité masculine.

Des facteurs génétiques pourraient expliquer, du moins en partie, les anomalies hormonales prénatales présentées par les neurobiologistes comme les déterminants de l'homosexualité. Mais ils ne sont pas les seuls. Ainsi, des facteurs extérieurs, tel un stress chronique et intense subi par la mère gestante, pourraient influencer les taux circulants de testostérone chez l'embryon. N'observa-t-on pas une nette croissance du nombre d'homosexuels chez les garçons nés à Berlin entre 1942 et 1946, avec un pic pour l'année 1945, celle où la ville fut pilonnée et rasée par les Alliés ?...

                                     Philippe Lambert
Mars 2010

 

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Philippe Lambert est journaliste indépendant. Il signe sur le site Reflexion un long article intitulé Naît-on homosexuel ? à propos de l'ouvrage de J. Balthazart


 
 
1 Jacques Balthazart, Biologie de l'homosexualité - On naît homosexuel, on ne choisit pas de l'être, Éditions Mardaga, collections Psy, 2010.