Pour célébrer sa quarantième édition, la Foire du Livre de Bruxelles met en avant l’édition numérique avec l’installation d’un espace qui lui est entièrement dédié, le l@b. Même si, durant cinq jours, du 4 au 8 mars, le livre papier, qui n’est pas prêt de disparaître (voir l’interview de Tanguy Habrand), régnera évidemment en maître. Au menu, plus de mille trois cents éditeurs, un millier d’auteurs et illustrateurs et des dizaines de rencontres et débats organisés dans les huit espaces d’animation répartis sur l’ensemble du site.

Après avoir occupé divers lieux bruxellois, le Centre Rogier, le Palais des Congrès, le Heysel ou Les Pyramides sous la Place Rogier, l’événement littéraire le plus important en Communauté française de Belgique s’est définitivement installé en 2005 sous l’imposante verrière autoportante de Tour & Taxis, le long du canal, où elle occupe sur 20 000 m² les anciens magasins de l’ancienne douane. Un lieu magnifique, vaste et clair, et où, luxe suprême, il est possible de circuler aisément même en cas d’affluence.

Au fil des années, le nombre d’éditeurs et d’exposants n’a cessé de croître pour en arriver aujourd’hui à refléter de manière très complète les multiples facettes du milieu éditorial : la littérature, la bande dessinée, les manuels scolaires, les beaux livres, les ouvrages pratiques et encyclopédiques, les guides de voyage ou le secteur jeunesse. Cette année, le thème choisi est « L’échappée numérique ». « Le mouvement devenait inexorable, analyse son président, Hervé Gérard, par ailleurs patron des éditions Racine. La technologie fuit en avant sans que personne ne puisse la freiner au point qu’elle nous échappe parfois, qu’elle nous dépasse souvent, qu’elle nous étonne toujours. » Le but de la manifestation n’est pas de vendre son âme au diable – pour autant que le numérique en soi un – mais d’« alerter » et d’« informer » les différents acteurs du livre, de l’éditeur au lecteur. « La chaîne du livre vit une véritable révolution, renchérit Ana Garcia, Commissaire de la Foire depuis de nombreuses années. Source de nouvelles pratiques, de nouveaux objets, de nouveaux usages, le numérique redéfinit progressivement le circuit classique de la création et de la pensée. »

Michel Serres, Claude Lanzmann, Dany Laferrière  et bien d’autres

C’est un penseur de haut vol bientôt octogénaire, le philosophe et épistémologue français Michel Serres, qui est l’invité d’honneur de ce millésime. Et un intellectuel important du 20^e siècle, Claude Lanzmann, viendra parler de son autobiographie, Le lièvre de Patagonie (Gallimard). Autour d’eux seront réunis, comme chaque année, des dizaines d’auteurs et d’illustrateurs en tous genres. De Laurent Gaudé à Eric-Emmanuel Schmitt, en passant par Jean-Claude Carrière, Véronique Olmi, François Bégaudeau, Frédéric Beigbeder, Arnaud Cathrine, Yasmina Khadra, Jean Teulé, Eric Fottorino, Delphine de Vigan, Hédi Kaddour, Claude Pujade-Renaud ou le Danois Jens Christian Grondahl. Plus un grand nombre de Belges : Alain Berenboom, Régine Vandamme, Yvon Toussaint, Nicolas Ancion, Daniel Charneux, Françoise Houdart, William Cliff, Armel Job, François Emmanuel, Xavier Deutsch, Luc Delisse, Michel Claise, etc.

La francophonie est également bien représentée avec la venue de l’auteur canadien d’origine haïtienne, Dany Laferrière, Prix Médicis 2009 pour L’énigme du retour, ainsi que celle du Congolais Alain Mabanckou, récent auteur de Black Bazar. Et, dans le cadre d’Échappées africaines, un espace de rencontres et une librairie ouverts aux auteurs de ce continent et plus largement des Antilles, Jean-Noël Schifano, directeur de la collection Continents Noirs chez Gallimard, accueillera le Togolais Théo Ananissoh, la Martiniquaise Fabienne Kanor et la Rwandaise Scholastique Mukasonga.

Tous ces auteurs, en plus de dédicacer leurs ouvrages, participeront tout au long de la Foire à de multiples débats et tables rondes portant tantôt sur leurs œuvres, tantôt sur des sujets littéraires ou éditoriaux, tantôt sur des questions de société ou de géopolitiques. Citons: « Apprendre à lire au 21^e siècle numérique », une rencontre autour de l’anthologie Nouvelles belges à l’usage de tous publiée chez Espace Nord, l’écriture pour le cinéma, le théâtre ou la jeunesse, « Peut-on se former à l’écriture ? », « Internet, outil de propagande politique ? » « Comment trouver sa place comme jeune éditeur aujourd’hui ? », « Flandre-Wallonie-Bruxelles : quelles solidarités ? », « Pour sortir du prêt-à-penser », « Une autre économie, c’est possible ? », « La Turquie est-elle soluble dans l’Europe ? », etc.

C’est devenu une habitude, deux nocturnes seront organisées. Celle du jeudi sera consacrée au polar et au thriller avec plusieurs maîtres du genre – Pierre Aspe, Nadine Monfils, Pascale Fonteneau, Jean-Baptiste Baronian – et la projection du nouveau film de Martin Scorsese, Shutter Island, d’après le roman de Dennis Lehane récemment adapté en BD par Christian De Metter. Le 9^e art, dont de brillants représentants dédicaceront leurs albums tout au long de la Foire sur le stand de leurs éditeurs, sera particulièrement à la fête au cours de la nocturne du lendemain avec un grand cadavre exquis dessiné sur fond musical lancé par François Schuiten, la mise aux enchères de quinze œuvres signées Pinelli, Saive, Cornette, Frank Pé ou Gihef ou encore un défilé de personnages de manga. La même soirée accueillera des poètes venues d’horizons différents, et notamment le Marocain Abdellatif Laâbi.

La jeunesse, cheval de bataille de la Foire, sera une fois de plus privilégiée au cours de ces cinq jours grâce à la présence d’auteurs et illustrateurs (Rascal, Jean-Claude Mourlevat, Evelyne Brisou-Pellen, Michel Honaker, Thomas Lavachery, Rebecca Dautremer, Thierry Robberecht, Pierre Coran…) ou à des expositions, ateliers et spectacles pour tous les âges.

Michel Paquot
Février 2010

Michel Paquot est journaliste indépendant.