Soucieux de toucher un public plus large et de se faire connaître de par le monde, l'Opéra Royal de Wallonie se décline depuis peu dans une multitude de salles obscures et sur support DVD. Quand l'infrastructure et la technique propres au septième art rejoignent l'art lyrique, la symbiose n'est plus très loin.

Insolite pour les uns, audacieux pour les autres, ce qui est certain, c'est que le projet de l'Opéra Royal de Wallonie étonne au premier abord. Mais si on y réfléchit un peu... Après tout, le Kinépolis, en association avec le Metropolitan Opera de New-York, n'en est-il pas déjà à sa deuxième saison ? L'Opéra au cinéma, en haute définition, semble d'ailleurs plaire à un très large public s'il on en croit les échos des différents spectateurs qui se sont rendus dans ces temples modernes du septième art. Néanmoins, pour le puriste, un spectacle vivant tel qu'il est proposé par une maison d'opéra se doit d'être vu dans le cadre feutré d'un bâtiment sublimé par son architecture – souvent d'un autre temps –, enjolivé par la disposition un brin archaïque de ses catégories de places, de ses loges et balcons, magnifié par les reflets rougeoyants de ses drapés, fauteuils et autres tapis. Bien loin donc, de la disposition sommaire proposée par les cinémas contemporains.

Diffusion simultanée de par le monde

Pourtant, c'est là même, par l'intermédiaire du spectre parfois déformant de la caméra, que se donne à voir, certains soirs, une représentation de l'ORW. En effet, La Traviata, œuvre majeure du répertoire verdien, a été diffusée, dans le courant du mois de mars, de façon simultanée dans de multiples cinémas à travers le monde, de la Russie à l'Espagne en passant par l'Italie,la Roumanie ou encore l'Allemagne. Atypique certes, mais bon nombre de salles affichaient complet lors de la représentation.

En outre, cette même production sort maintenant en DVD augmenté de bonus comme l'interview du metteur en scène.

Mais ces captations ne génèrent- elles pas un désagrément perceptible pour le public présent dans l'enceinte même de l'opéra ? « Non, affirme Stefano Mazzonis Di Pralafera, le Directeur général et artistique de l'ORW., avec un délicieux accent italien qui rappelle les racines mêmes de cet art lyrique. Nous devons fort logiquement adapter les flux lumineux afin de satisfaire aux exigences des caméras ce qui engendre un éclairage légèrement plus puissant et pour ce qui est de la dimension sonore, nous utilisons des micros souvent invisibles car camouflés par les costumes de scène. Certains sont placés dans le col, d'autres sont présents dans les perruques des comédiens. »

Deuxième diffusion, troisième DVD

Fort de ce premier succès, l'opéra de Liège, poursuivant son association avec la société génoise Dynamic, a décidé de retransmettre les tribulations pathético-sentimentales du héros replet Falstaff. Cette œuvre de Verdi, dont le livret est tiré des Joyeuses Commères de Windsor de William Shakespeare, vient, elle aussi d'être projetée dans de nombreux pays : « Nous avons passé des accords avec plusieurs salles de cinéma en Amérique Latine, au Canada et même en Australie, annonce fièrement Danilo Prefumo, le directeur artistique de Dynamic. Malheureusement, toutes les salles ne peuvent participer à l'expérience car la réception satellite nécessite un équipement particulier. Pour ce qui est du marché belge, il sera impossible de voir la prestation dans la partie francophone du pays, à l'inverse de quelques salles en Flandre. » Une situation qui s'explique par le contrat d'exclusivité qui associe le groupe Kinépolis et le Metropolitan Opera de New York, et qui, inévitablement, restreint le nombre de salles de cinéma aptes à accueillir, par l'intermédiaire de sa toile blanche, les fastes du ventripotent séducteur.  

Cette production liégeoise, remarquablement mise en scène par Stefano Poda, a été très applaudie, tant par le public que par la critique. Elle sera, elle aussi, disponible en DVD dans quelques mois.  Un projet technophile qui a dépassé le stade de l'incandescence et qui devrait se perpétuer durant les saisons futures : « C'est en tout cas notre souhait, affirme Claudine Dumez, chargée de communication à l'ORW. À l'inverse du projet « I Puritani » qui, certes capté par la RTBF, avait été autoproduit, nous bénéficions ici de tout le savoir-faire de Dynamic.  Après Le Roi d'Ys, La Traviata et Falstaff, nous espérons sortir un quatrième DVD  consacré au Mariage secret de Domenico Cimarosa. Ces produits forment une véritable vitrine mondiale pour l'Opéra Royal de Wallonie. Nous ressentons même une fascination de la part des Japonais, entre autres, pour nos représentations. » De quoi, donc, continuer à s'enivrer et ce, même après le traditionnel baisser de rideau.

Sébastien Close
Décembre 2009

Sébastien Close est journaliste indépendant.

Les DVD, zone Europe, sont sous-titrés en français, italien, allemand, anglais et espagnol.
En vente au prix d'une trentaine d'euros, dans tous les commerces habituels

Le Roi d'Ys, opéra en 5 actes d'Édouard Lalo
Enregistré à Liège en avril 2008

Direction musicale : Patrick Davin
Mise en scène : Jean-Luis Pichon

Avec : Giuseppina Piunti, Guylaine Girard, Éric Martin-Bonnet, Sébastien Guèze, Werner Van Mechelen, Léonard Graus, Marc Tissons

Chœurs de  l'Opéra royal de Wallonie. Dir : Édouard Rasquin

La Traviata, opéra en 3 actes de Giuseppe Verdi
Enregistré à Liège en mars 2009

Direction musicale : Paolo Arivabeni
Mise en scène : Stefano Mazzonis di Pralafera

Avec : Cinzia Forte, Tineke Van Ingelgem, Federoca Carnevale, Saimir Pirgu, Giovanni Meoni, Cristiano Cremonini, Chris De Moor, Patrick Delcour, Lorenzo Muzzi

Chœurs de  l'Opéra royal de Wallonie. Dir : Marcel Seminara

Falstaff, opéra en 3 actes de Giuseppe Verdi
Enregistré à Liège en novembre 2009

Direction musicale : Paolo Arivabeni
Mise en scène : Stefano Poda

Avec :Ruggero Raimondi, Alberto Rinaldi, Virginia Tola, Sabina Puértolas, Tiberio Simu, Cinzia De Mola, Liliana Mattei, Gregory Bonfatti, Pietro Picone, Maurizio Lo Piccolo

Chœurs de  l'Opéra royal de Wallonie. Dir : Marcel Seminara

Sortie prévue  fin du printemps 2010