Le Musée de la Vie wallonne, indissociablement lié aux dialectologues

Des voies qui se séparent… quoique…

Dans le courant des années 1950, le rôle du Musée devient peu à peu plus didactique que strictement scientifique. Un service éducatif voit le jour et le visiteur devient l’objet de toutes les attentions. On imagine un nouveau parcours muséal, suivant les principes de Georges-Henri Rivière, qui s’accomplira vers 1970 dans le Couvent des frères mineurs. Les expositions temporaires se succèdent. Cependant, les liens avec les dialectes wallons ne disparaissent pas : des études se poursuivent2, les enquêtes sont maintenues, avec toujours le même souci de collecter les mots en même temps que les objets ou les savoir-faire.

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Le Musée de la Vie wallonne dans le couvent des Frères Mineurs
© Province de Liège – Musée de la Vie Wallonne

Au cours des décennies 1970-1980, alors qu’une équipe d’historiens et d’historiens de l’art a été engagée par la Ville de Liège, alors gestionnaire du Musée de la Vie wallonne, une nouvelle orientation est donnée aux recherches. On s’intéresse au quotidien des gens d’autrefois et les œuvres dialectales deviennent sources historiques populaires. L’intérêt pour les dialectes se maintient, grâce aux articles publiés par Jean Lechanteur3, élève et successeur de Louis Remacle à la chaire de dialectologie wallonne, grâce aux recherches de Françoise Lempereur et de Roger Pinon4, grâce encore à la présence de Marie-Thérèse Counet-Bettonville. Cette dernière, avant d’être attachée à la rédaction de l’Atlas linguistique de la Wallonie, fut responsable du Service des enquêtes du Musée et entreprit des enquêtes de dialectologie dont le contenu fut publié dans une série d’Ethnotextes de Belgique romane. C’est à elle que l’on devait l’élaboration d’une salle des dialectes qui offrait au visiteur la possibilité d’entendre les langues régionales de toute la Wallonie.

Photo Antonio Alaimo - PhotoClub IMAGE ULg

TonioAlaimoUn changement de conception

Après 1990, c’est la Province de Liège qui reprend la gestion du Musée. Ce changement s’accompagne aussi d’une modification de l’orientation donnée au Musée. L’institution ressent le besoin de renouer avec le contemporain et de redéfinir son projet. Dorénavant, elle se meut en musée de société. Est-ce alors la fin des relations amicales avec les dialectologues ? Certainement pas !

La Fondation d’Utilité Publique – Musée de la Vie wallonne, qui constitue en quelque sorte le conseil scientifique du Musée, compte encore d’éminents romanistes. On retiendra Jean-Marie Pierret, professeur émérite de l’UCL, Jean Lechanteur, professeur honoraire de l’ULg, et Martine Willems, professeur à l’Université Saint-Louis. Ceux-ci ont veillé et veillent encore à la qualité des publications, mais ont également participé à la rénovation du Musée en 2008, en aidant par exemple à l’aménagement de l’espace réservé aux dialectes.

Enfin, après 2006, c’est à travers la Bibliothèque des dialectes de Wallonie, intégrée aux collections du Musée, que l’essentiel de l’activité dialectologique s’exerce encore au Musée – voir l’article ci-contre. Même si les actions de conservation et de recherche scientifique se poursuivent, au cours de ce dernier quart de siècle, la mission principale du Musée, en matière dialectale, s’oriente désormais vers un travail de découverte et de promotion des langues dialectales. Dans ce domaine, le Musée cherche certainement à pallier la disparition de la transmission intergénérationnelle d’un patrimoine populaire immense et malheureusement trop méconnu. Cette action ne peut pas se faire sans continuer à entretenir d’excellents rapports avec les membres actuels de l’Institut de dialectologie et leurs élèves.

  Baptiste Frankinet
Mai 2014

 

crayongris2Baptiste Frankinet est journaliste indépendant et attaché culturel au Musée de la Vie wallonne


 

1  Remacle, L., « Élisée Legros », in Mélanges de folklore et d’ethnographie dédiés à la mémoire d’Élisée Legros, Liège, Musée wallon, 1973, p. 13.
2
On pense notamment à Tijskens, J.-P., Les noms du croque-mitaine en Wallonie, Liège, Musée de la Vie wallonne, 1965-1966 ; Remacle, L., Les noms du porte-seaux en Belgique romane, Liège, éd. du Musée de la Vie wallonne, 1968, coll. « études publiées par le Musée de la Vie wallonne », n° 2 ; Legros, É., Sur les types de ruche en Gaule romane, Liège, éd. du Musée de la Vie wallonne, 1968, coll. « études publiées par le Musée de la Vie wallonne », n° 3.
3
Citons, entre autres, « La fabrication du sirop à l’ancien système au Pays de Herve », in Enquêtes du Musée de la Vie wallonne, tome 13, p. 129-162, ou encore « Hây Martin. Une paskèye inédite sur la chevauchée de l’âne (Oreye, 18e siècle), in Enquêtes du Musée de la Vie wallonne, tome 14, p. 201-225.
4
Cette recherche conduit à l’enregistrement de 7 disques qui constituent l’Anthologie du Folklore wallon, CACEF, 1974-1981.

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