Jean-François Elslander, Le cadavre

ElslanderL’histoire des Lettres belges francophones est jalonnée de grands noms, dorénavant incontournables. À côté de ces références, d’autres plumes, moins (re)connues, méritent qu’on s’attarde sur leur encre. Ce qui est indéniablement le cas de Jean-François Elslander.

Dans Le Cadavre – bref récit tiré des « Études naturalistes » qu’il publia en 1891 –, un colporteur égaré en campagne, un soir de tempête, se réfugie dans une masure qui paraît abandonnée : « Il avait devant lui un vide noir, mystérieux comme l’entrée d’une caverne, et où ne voletait le plus petit bruit… » S’ensuivent des évènements où les forces de la terreur entrent en collusion avec celles de l’imagination pour se confondre en images fortes, saturées. En effet, tous les sens du lecteur sont mobilisés, voire électrisés, au fil des pages. L’écriture d’Elslander est comme l’atmosphère à laquelle elle donne corps : surchargée (l’on se souviendra que Lemonnier, le bien mal nommé « Zola belge », était taxé par ses détracteurs de « Macaque flamboyant »). Ici, les substantifs appellent les nombreux adjectifs, les paragraphes progressent en spirale, les images percutent et se précisent, la tension lézarde les évocations. De petites maladresses pointent de temps à autre, mais ne déforcent en rien la crispation grandissante.

Un petit bijou de macération à découvrir une nuit d’orage, à la lumière vacillante d’une lampe à pétrole, dans un silence que l’on pense absolu, jusqu’à ce que…

Samia Hammami

 
Jean-François Elslander, Le cadavre, Éditions L'arbre vengeur, coll. L'Arbre à clous, 2013, 92 p.
 

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