Sukkwan Island est un récent grand succès de librairie. Un succès mérité.
David Vann nous y raconte, le long de deux-cents pages d’une fluidité superbe, les (més)aventures d’un père paumé et de son fils, embarqué plus ou moins contre son gré pour un séjour d’un an sur une île isolée de l’Alaska. Into the Wild entre quatre yeux, si l’on veut.
Numéro d’équilibriste magistralement exécuté, ce roman est comme une fable du sordide et du pathétique, pourtant narrée avec une délicatesse et une subtilité déconcertantes. Une affinité particulière naît avec l’auteur du brouillage de certaines frontières auquel il s’emploie, entre le fond et la forme, le discours direct et le discours indirect, le père et le fils, le dramatique et le risible ; et on ressent très clairement tout le soin que celui-ci a mis, dix ans durant, à faire de son livre un modèle d’habilité narrative.
On plonge à pic dans les eaux de Sukkwan Island dès les premiers passages du roman, et l’on n’en sort que juste à temps pour éviter la noyade, avec la satisfaction d’avoir fait l’expérience d’une certaine subtilité. C’est avec beaucoup de complaisance que l’on se laisse gagner par l’illusion du naturel, de l’authentique et du facile. Je vous conseille très vivement ce roman.
« Son père fit une pause et Roy demanda : Et après ? »
Pierre Spailier
David Vann, Sukkwan Island, Folio 2012, 240 p.< Précédent I Suivant >
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