À la mort de leur père, deux frères séparés par la vie se retrouvent contraints et forcés de faire le voyage jusque dans leur Italie natale à bord d'une veille Fiat 500. Un périple qui, rythmé par les disputes, les souvenirs et les silences, déliera les langues.

Alfred (« Pourquoi j'ai tué Pierre ») offre ici une œuvre toute en retenue, faisant évoluer crescendo la relation liant ses protagonistes au rythme des routes sinueuses, des pins et des collines du sud. Avec beaucoup de maîtrise, il ne tombe jamais dans des clichés mélodramatiques trop faciles, communs dans ce genre d'ouvrage et parvient par conséquent à raconter une histoire profondément humaine. En toile de fond, sans brusquer, les thèmes graves de l'Italie de Mussolini et des Chemises Rouges sont abordés avec une certaine pudeur et délicatesse. Les affrontements bouillonnants, les rencontres, les moments de contemplation et les aléas burlesques du voyage (que Chaplin n'aurait pas reniés) s'enchaînent avec brio pour faire tomber les masques et révéler des personnalités, comme souvent, plus nuancées qu'au prime abord. 

Le trait minimaliste et sec, les couleurs tranchées et vives de l'auteur permettent d'illustrer avec justesse la force des caractères et la puissance des événements, nous offrant notamment des flash-back chromatiques particulièrement expressifs.  L'enchainement habile des cases et la gestion des cadrages offrent une narration particulièrement fluide, au fil des pages les kilomètres défilent et jamais il ne semble nous venir à l'esprit de poser la douloureuse question du «dis, quand est-ce qu'on arrive Alfred ? ».
Drôle, émouvant et fort, vous l'aurez compris, « Come prima » nous fait voyager sur ses chemins de la plus belle manière qui soit, comme pour nous rappeler la saveur de la bande dessinée moderne, média définitivement à part et à part entière qui une fois maîtrisé offre des possibilités uniques.

Come Prima a remporté le prix du meilleur album au festival d'Angoulême, principale récompense en bande dessinée de France.  - Pour aller plus loin : interview d'Alfred.

Petrus Franchimont

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