Mon prof de philo nous le répétait avec force et conviction comme on mène un combat : « il faut lire les textes de première main » ! Sur ce point-là, comme sur bien d’autres,  il avait raison. Mais une fois n’est pas coutume et il me semble que l’on a des circonstances atténuantes à conseiller « la lecture de la lecture » de Montaigne par cette essayiste anglaise. D’abord, avouons-le !, parce qu’on ne lit plus aisément un philosophe français de la Renaissance, même quand les éditeurs proposent des versions du texte actualisées.   Ensuite, parce que l’on n’en parle plus forcément au cours des études secondaires, du moins si j’en crois mes étudiants. Alors se jeter sans introduction, sans filet, dans un texte périlleux comme celui-là, sans aucun guide ? Enfin, parce que Miss Bakewell lit bien, écrit bien, clairement, intelligemment, de manière complice, avec humour, comme Montaigne, qui avait d’ailleurs rapidement conquis les Anglais, le souhaitait, pour nous aider à lire, pour nous aider à vivre.

Ce livre, extrêmement documenté et bien illustré, permet à ceux qui ne connaissent pas Montaigne de commencer à le lire en sachant que la phrase sera pleine de détours, que la pensée rusera parfois avec la raison, mais aussi que l’homme s’y dévoilera sans complaisance, sans tricherie, pour nous livrer une vérité – et pas la Vérité –  sur l’Homme.  Ce livre apprendra à ceux qui le connaissent déjà un peu (et même plutôt bien) à quel point sa réception a changé au cours du demi millénaire (ou presque) qui nous sépare de lui : Shakespeare, Pascal, Descartes… Goethe, Nietzsche, Zweig. Pourquoi ont-ils lu et réagi à la lecture de Montaigne ?

Surtout, il donnera l’envie de rouvrir une œuvre qui continue de nous donner des conseils utiles : utiliser des petites ruses, s’arracher au sommeil de l’habitude, garder son humanité, … voir le monde, tout remettre en question !

Stéphane Dawans

<   Précédent   I  Suivant   >
Retour à la liste des Essais, documents...
Retour aux Lectures pour l'été 2014