Alain Berenboom, Monsieur optimiste

BerenboomUn ouvrage à lire d'abord parce que M. Berenboom possède un talent de raconteur sans pareil : en quelques phrases à peine, il sait faire revivre l'atmosphère qui règnait dans une pharmacie schaerbeekoise d'après-guerre et évoquer les souvenirs de son enfance qui sont loin d'avoir jauni, le tout avec l'humour dont on sait M. Berenboom familier : une distance ironique, mais jamais caustique. On apprend ainsi comment un pharmacien doué fabriquait non seulement des crèmes et onguents qui préfigurent les produits de beauté d'aujourd'hui, mais aussi des remèdes miracles qui remettaient sur pied les pigeons tant chéris par les colombophiles. On se replonge aussi dans l'ambiance de certains grands événements qui ont marqué Bruxelles et la Belgique pendant la période d'après-guerre, événements qui sont racontés par la bouche du petit garçon qu'était à l'époque l'auteur.

M. Berenboom dresse aussi avec beaucoup de simplicité la chronique d'une famille d'immigrés – quand ce mot pouvait encore signifier simplement un espoir de commencer une vie meilleure pour soi-même et ses enfants – avec ses hésitations, ses déchirements, ses aller-retour (la migration circulaire n'est pas une invention récente), ses soubresauts et rebondissements, ses louvoiements entre embrasser les mœurs locales et conserver un attachement, fût-il symbolique, au pays des aïeux, même lorsque celui-ci a disparu, emporté par les horreurs de la persécution nazie. L'ouvrage rappelle que l'immigration n'est pas récente, qu'elle est toujours un processus qui charrie son lot de difficultés, mais qu'elle peut aussi être synonyme d'une vision bien plus riche des relations sociales.

Et enfin et peut être surtout, le livre est un merveilleux témoignage d'une relation père-fils : M. Berenboom, tout en pudeur, esquisse une histoire pleine d'émotions entre un père au passé difficile et un fils à qui tout est promis – et qui utilise à merveille les talents qu'il a reçus. Au gré d'une cinquantainte de vignettes, il tisse délicatement les liens d'une relation riche et pleine de tendresse, même si parfois vécue à retardement, où l'enfance 'normale' doit composer avec les circonstances extraordinaires du temps. Ce portrait d'une relation père-fils se double d'une chronique de la vie familiale dans une époque qui a vu un génocide décimer tant de familles, pour composer un ouvrage très agréable à lire et dont la lecture permet d'alimenter une réflexion tant personnelle que sociale.

 

Patrick Wautelet

 

Alain Berenboom, Monsieur optimiste, Genèse édition, 2013, 237 p.
 

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