Philippe Jones, Parenthèses

JonesUn livre mince auquel on accède avec la patience d’un coupe-papier. Si la poésie est religion laïque, double étymologie de « relier » et de « relire », alors on reçoit comme prière d’adoration (de l’arbre, de la vie, du temps et de l’extase) les Parenthèses de Philippe Jones.

« La parenthèse est ce qui se pense et se dit / sans en avouer l’éventuelle importance ». Renoncer dès lors à la majuscule, c’est laisser voir que la phrase n’a ni commencement ni fin ou plutôt que ces deux pôles se situent en-dehors de notre portée comme infra-rouge et ultra-violet de l’iris qu’elle nous propose.

Si la poésie est sauvegarde de la langue, de la pensée, de la jouissance dans le dépouillement, alors il faut relire les Parenthèses de Philippe Jones comme on reçoit un verre d’eau fraîche après une marche solitaire dans les dunes brûlantes. Car ce texte est la dune et le verre d’eau. « Le propre du poème est d’humaniser le monde » c’est bien ce qui, à la fois, rappelle son repli dans l’ombre et la silencieuse annonce de sa percée, comme lumière à crever l’épais bâillon des nuages.

« L’anxiété n’apporte que de fausses couleurs » : ici l’alexandrin – cette respiration de la langue française –  sonne comme un proverbe, une maxime que l’on tentera de faire sienne.

« Fermer les parenthèses / que le regard se porte ailleurs » : dernières paroles du poème, cet optatif ? Oui, sauf que les mots « dernier » ou « premier » n’ont plus cours : on est pris dans une spirale qui se déroule. La vie, malgré tout, continue à s’élever, avec les mots et les images que donnent l’amour et la souffrance.

Et l’on voudrait transposer à fin du texte, puis au début du texte, ces mots nichés au creux des pages, que l’on ne cesse de rechercher, de convoquer, de glisser dans sa voix intérieure comme un « lève-toi et marche » : « Vous partirez pour saisir l’aventure » car « Le temps, c’est soi-même, on le sait »

Légères feuilles au vent, comme l’oiseau quitte son arbre, la poésie de Philippe Jones, merveilleusement, nous éternise l’éphémère grâce à « une ligne [qui] suggère et ne définit point »

Un précieux présent offert au lecteur…

 

Rose-Marie François
Juin 2014

Philippe JONES, Parenthèses, Le Cormier, Bruxelles 2013

 

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