Dans l’ombre du musée
En 2012, l’Aquarium-Muséum fêtait ses 50 ans. En 1962, Marcel Dubuisson, alors recteur de l’Université de Liège, enrichissait en effet de spécimens vivants les collections inertes de l’Institut zoologique fondé par Édouard Van Beneden en 1888. Les collections seraient du même mouvement rendues accessibles au public, dans un esprit d’ouverture et de transmission des savoirs. « En Fédération Wallonie-Bruxelles, nous sommes les seuls à posséder à la fois des collections vivantes à l’aquarium et inertes au muséum, commente Sonia Wanson, co-directrice de l’Aquarium-Muséum. Guillaume d’Orange, qui a créé l’université en 1817, avait déjà une politique d’acquisition de collections de sciences naturelles. Par ailleurs, l’ULg a depuis longtemps une grande tradition de recherches et de connaissances en matière de biologie aquatique et d’océanographie. En témoigne aujourd’hui la plateforme AFFISH qui réunit tous les acteurs de l’université étudiant de près ou de loin la faune aquatique.»
La qualité des collections et du travail de conservation assuré par l’équipe de l’Aquarium-Muséum lui a déjà valu en 2010 le titre d’« institution muséale de classe A », décerné par la Fédération Wallonie-Bruxelles. Une distinction assortie de subsides, équivalents à quelque 250 000 euros annuels. « Notre mission de conservation et de restauration est la moins visible. C’est donc une belle reconnaissance car nous possédons de véritables trésors patrimoniaux, comme les Blaschka (NDRL : impressionnants modèles didactiques d’invertébrés marins soufflés en verre) qu’il convient de préserver pour les générations futures. » L’Aquarium-Muséum possède en effet un répertoire de quelque 32 000 spécimens, dont certains très anciens ou témoins d’espèces aujourd’hui disparues. « Cette reconnaissance nous a permis de mettre sur pied de nouvelles actions mais aussi d’engager du personnel : des biologistes, des assistants en communication, des infographistes, etc. Notre équipe compte aujourd’hui 22 personnes», commente Sonia Wanson.
Le tournant touristique
Sur base de 116 critères, le Commissariat Général au Tourisme (CGT) vient par ailleurs de classer l’Aquarium-Muséum « attraction touristique », une appellation protégée destinée à professionnaliser le secteur. En Wallonie, 105 sites possèdent aujourd’hui ce label. L’institution s’est vu adjoindre 4 soleils (le maximum étant 5) à ce titre, s’alignant ainsi aux côtés de trois autres attractions de la province de Liège : les Thermes de Spa, le Musée de la vie wallonne et le Château de Modave. «C’est une fierté pour toute l’équipe mais aussi la possibilité d’obtenir des subsides à hauteur de 30 à 50 % pour des projets visant l’amélioration de l’accueil des visiteurs», explique Sonia Wanson. De quoi briguer un cinquième soleil dans les années à venir. «Il ne nous manque que quelques points pour obtenir un cinquième soleil. Nous pourrions les obtenir facilement en mettant en place un paiement par e-ticketing, en proposant des audio-guides, etc. Mais il existe aussi des critères bloquants que nous devons absolument prendre en compte». En effet, pour prétendre à la plus haute distinction, une attraction touristique se doit de proposer un site Internet « anysurfer », c’est-à-dire accessible aux personnes malvoyantes. Son espace billetterie doit par ailleurs impérativement être séparé de l’espace boutique. Deux défis à relever dans un avenir proche.
Si l’on vise l’excellence dans le secteur touristique, l’accueil en langue étrangère est par ailleurs déterminant. Bien sûr, la majorité des quelque 95 000 visiteurs annuels de l’Aquarium-Muséum viennent de la commune de Liège (29 %), de la province (34 %) et du reste de la Wallonie (13 %). Mais les visiteurs hollandais représentent tout de même 9 % de la fréquentation, suivi des Français (3 %) et des Allemands (2 %). «Il existe une zone concentrée sur le sud des Pays-Bas, l’ouest de l’Allemagne et le nord de la France où il n’y a pas d’Aquarium-Muséum et où nous essayons aussi de faire de la promotion», explique par ailleurs Sonia Wanson. Depuis le site Internet jusqu’aux explications en salle, l’accueil quadrilingue – français, anglais, néerlandais et allemand – est donc désormais une priorité. «Le nouvel espace consacré aux coraux que nous inaugurerons le 20 juin prochain sera d’ailleurs quadrilingue», annonce Sonia Wanson. Packages touristiques, boutique de souvenirs et autres visites organisées devraient accroître encore davantage l’« attractivité » du musée. Un tournant que l’institution semble aborder sans heurts. «Nos prédécesseurs n’auraient peut-être pas eu cet état d’esprit tourné vers le tourisme et le marketing. Mais des collections, aussi bien préservées soient-elles, n’ont pas de sens si elles ne sont pas partagées avec le public» , conclut Sonia Wanson. Entre faunes académique et touristique, l’Aquarium-Muséum nage pour l’instant en eaux sûres.
Julie Luong
Mars 2014
Julie Luong est journaliste indépendante
Voir le site de l'Aquarium-Muséum de l'Université de Liège
Voir le site du Commissariat général au Toursime, concernant la reconnaissance d'une attraction touristique. Label de qualité Soleil