Pastiches horrifiques en tout genre

Le ton de la comédie-horrifique est à la page, en témoigne les succès de Zombieland en 2009 ou La Cabane dans les bois en 2012. Cette tendance se poursuit avec entres autres Cheap Thrills, All Cheerleaders Die et Les Sorcières de Zugarramurdi de Alex de la Iglesia, talentueux et déluré cinéaste espagnol. Éventuellement Goal of the Dead de Thierry Poiraud et Benjamin Rocher (coréalisateur du mitigé La Horde en 2009), mêlant foot et zombies.

Ces films reposent sur la même logique, proposer un concept ludique qui déroute le spectateur en lui exposant des codes déjà appréhendés et manipulés grossièrement. Les sorcières sont déjantées chez de la Iglesia, Cheap Thrills mêle horreur et violence gratuite à la Jackass, et les pom-pom girls de All Cheerleaders Die sont cannibales et allumées. Sur le ton de l’humour, souvent grinçant, il faut s’attendre à des récits perceptibles à différents niveaux de lecture. Pour une meilleure approche de ces objets aux allures d’ovnis, mieux vaut privilégier la plus distanciée !

Retour du cinéma d’horreur made in France et incursion décalée

Auteur de l’excellent slasher À l’intérieur en 2007 et de l’intriguant Livide en 2011, toutefois bien moins convaincant, Julien Maury et Alexandre Bustillo sont de retour avec Aux Yeux des vivants. Les deux jeunes cinéastes français présentent leur troisième long métrage comme à la croisée de « l’ambiance mélancolique de Stand By Me, la violence décomplexée de La Colline a des Yeux, et l’univers dérangeant et angoissant d’Insidious³ ». Produit par l’inépuisable Jean-Pierre Putters et sa société Metaluna Productions, le film marquera le retour du cinéma d’horreur français, dont le nombre de réalisations n’a cessé de proliférer depuis la sortie de Haute Tension en 2003.

Dans un tout autre registre, Quentin Dupieux présentera Wrong Cops, un film qu’il décrit comme « sale, bête et simple⁴ ». Loin d’être un héritier du cinéma horrifique, Dupieux s’est engagé dans la voie de l’absurde, en proposant des récits totalement décalés, nébuleux et déjantés. La pilule passe avec Steak (2007), mais se révèle plus dure à avaler pour Rubber (2010) et Wrong (2012), son dernier opus en date.

Invasion asiatique

Comme mentionné précédemment, un tiers de la programmation débarque en provenance d’Asie. Ce cinéma oriental semble s’inscrire dans le sillage conceptuel du cinéma d’horreur actuel, à la manière des cinéastes français et espagnols. Les influences et références américaines et italiennes sont légions, en témoignent donc le premier film de zombies indien ou encore Zombie TV originaire du Japon. Tout comme ce film à sketchs coréen, Horror Stories 2, calqué sur les lucratifs et concluants modèles VHS I (2012) et II (2013), eux-mêmes inscrits dans la lignée des Body Bags (John Carpenter, Wes Craven) et autres Necronomicon (Brian Yuzna, Christophe Gans). Il sera également possible de découvrir Moebius, le nouveau film du cinéaste coréen controversé Kim Ki-duk. Il fut récompensé du Lion d’or à Venise pour son brutal Pieta en 2012, projeté au BIFFF l’année passée, et revient avec son dernier film, annoncé encore plus intense et choquant.

Masterclass et invités prestigieux

Outre une programmation titanesque, ce sont une série d’invités prestigieux qui se joindront au BOZAR. Ainsi, Jean-Pierre Jeunet viendra tenir une masterclass très réjouissante. Le cinéaste français est principalement connu pour avoir réalisé Le fabuleux destin d’Amélie Poulain (2001) et le surprenant Un long dimanche de fiançailles (2004). Il faut surtout rappeler qu’il est l’auteur de Alien, la résurrection (1997) et des excellents Delicatessen (1991) et La Cité des enfants perdus (1995), tous deux coréalisés avec Marc Caro. Jeunet évolue alors en plein univers horrifico-fantastique, en y apposant sa touche personnelle, emplie d’une douce ironie noire et d’un fatalisme lugubre. Ce sera également l’occasion de rencontrer l’illustre Terry Gilliam, qui vient présenter Le Théorème Zéro. Le truculent cinéaste américain tiendra une séance de questions-réponses qui débordera à coup sûr sur sa fabuleuse carrière, en passant par L’Armée des douze singes (1995), Brazil (1985), ou encore son hilarante collaboration avec les Monthy Python sur Sacré Graal! (1975).

Le très célèbre Lloyd Kaufmann, véritable pape de la Série B, présentera Return to Nuke ’Em High Vol. 1 suivi d’une conférence publique, tandis que Luc Longin animera un atelier sur les effets spéciaux. Si ce nom ne vous est pas familier, sachez que Longin est un technicien des studios de Georges Lucas et de Peter Jackson, excusez du peu !

Un espace ludique

 Si vous n’avez jamais eu l’occasion de découvrir l’univers savoureux du BIFFF, il se tient du 8 au 20 avril prochain au BOZAR. Bien que le festival ne bénéficie que d’une médiatisation très minime au vu du matraquage dont font l’objet d’autres célèbres institutions, le public répond systématiquement présent. Après tout, le BIFFF reste un réel lieu d’échange, de découverte, d’amusement autour de genres cinématographiques trop souvent et hâtivement dévalorisés. Un espace unique et sain, bien loin du cirque médiatique et autres leurres commerciaux qui font la part belle à de nombreux festivals plus classiques de ce monde.

Nicolas Hainaut
Mars 2014 

Nicolas Hainaut est journaliste indépendant, chroniqueur cinéma. Diplômé en Arts et Science de la Communication ULg, il avait consacré son travail de fin d'études au cinéma d'horreur, sous la direction de Dick Tomasovic.

Le BIFFF se déroule du 8 au 20 avril 2014, au BOZAR (Bruxelles)
Infos et réservations : http://www.bifff.net/