Devenir artiste à la Renaissance. Le rôle du Liégeois Dominique Lampson
 

titienEn guise de préliminaire au projet ÉpistolART, Dominique Allart et Paola Moreno se sont penchées plus particulièrement sur une lettre que Dominique Lampson a adressée au Titien le 13 mars 1567. À cette époque, le maître vénitien était l’un des artistes les plus en vue, à l’échelle européenne. Il est d’ailleurs symptomatique que Lampson s’adresse  à lui avec la plus grande déférence, avant d’en venir au but : lui recommander un de ses compatriotes, le graveur Cornelis Cort. Il s’exprime en ces termes :

« Mon très excellent, magnifique et respectable Seigneur… J’ai eu par notre ami Messire Nicolò Stopio les six excellentes compositions de Votre Seigneurie, gravées par notre Cornelis qui sont semblables, quant à la conception et au dessin, à toutes vos autres œuvres, c’est-à-dire divines ; et en ce qui concerne la gravure, elles sont, à mon avis, supérieures à toutes celles de vos œuvres qui ont jamais été gravées (du moins à celles que j’ai vues)… »

Tiziano Vecellio  (Titien), 1488/90-1576

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«Cornelis Cort avait fait des débuts assez remarqués à Anvers, commente Dominique Allart, une ville où la production de gravures et d’images imprimées connaissait alors un essor tout particulier grâce à l’éditeur Jérôme Cock. Cort avait ensuite effectué un séjour à Venise, où il avait réalisé les six gravures des peintures de Titien dont il est question dans cette lettre. Ces gravures étaient parvenues entre les mains de Dominique Lampson par l’entremise du marchand Nicolò Stopio

Cornelis Cort (1533-1578), gravure dans Cornelis de Bie, Het Gulden Cabinet, Anvers 1662 (à gauche)
Hieronymus Cock (1518-1570), dans Lampsonius, Effigies, 1572 (à droite)

Lampson voulait inciter Titien à renouveler sa confiance à Cornelis Cort, en soulignant que la gravure, à l’époque le principal vecteur de la circulation des images, pouvait amplifier significativement la renommée d’un peintre. Il y parviendra : suite à cette lettre, Cort, le brillant buriniste capable de transposer avec une extraordinaire subtilité les couleurs de Titien en noir et blanc, s’imposera en effet comme son graveur attitré et accomplira une carrière remarquable en Italie.  «Avec Raphaël, Titien est ainsi l’un des premiers à avoir compris les bénéfices qu’il pouvait tirer de la publicité des graveurs, explique Dominique Allart. La correspondance de Lampson nous apprend également que les graveurs de reproduction n’étaient pas d’obscurs tâcherons au service des artistes, mais qu’ils pouvaient bénéficier d’une réelle considération, que les compétences et le talent que requérait leur travail étaient reconnus par les amateurs d’art. Tout un monde de l’art commence, on le voit, à se développer à l’époque autour de la figure de l’artiste, avec des marchands, des éditeurs, des graveurs, et enfin des connaisseurs, comme Lampson.

 

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Cornelis Cort, d’après Titien, La Trinité, 1565, gravure au burin sur cuivre, 52,1 x 37,8 cm - Titien, La Trinité (« La Gloria »), 1551-1554, 346 x 240 cm, Madrid, Prado  

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Titien, Martyre de saint Laurent, 1559, toile, 493 x 277, Venise, Gesuiti - Cornelis Cort, d’après Titien, Martyre de saint Laurent, gravure au burin sur cuivre, 480 x 345 mm



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