À la chandeleur, la crêpe reprend vigueur !

La crêpe, typique de la Chandeleur ?

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Fotolia 28268572 XS2© soniaC - Fotolia.comEt certains ont vu dans cette période de transition une justification parfaite de la consommation de crêpes à la Chandeleur : la crêpe étant un aliment qu’il faut nécessairement retourner sur la poêle – et de préférence en la faisant voler dans les airs –, elle serait la matérialisation de ce moment de basculement du cycle solaire au cycle lunaire. En outre, la crêpe ferait un parfait symbole des deux astres, elle pourrait même figurer le renversement des statuts sociaux à l’occasion du carnaval. Peut-être s’agissait-il simplement de la première consommation d’œufs de l’année ? Mais Françoise Lempereur nous met en garde : « Il faut être prudent avec ce genre d’explications hasardeuses. La crêpe, chez nous, était un aliment populaire que l’on consommait en période festive. Ne mange-t-on pas des boûkètes au 15 août ou en période de Noël ? L’importance que la crêpe a prise dans notre manière de célébrer la Chandeleur est certainement liée à une commercialisation de cette fête ».

Plusieurs coutumes étaient spécifiquement liées à la cuisson des crêpes : obligation de la faire sauter en tenant une pièce dans la main gauche, conservation de la première crêpe pour s’assurer l’opulence, consommation d’un grand nombre de crêpes pour préfigurer les nombreux festins qui attendent le foyer au long de l’année.

Une kyrielle de dictons… dans toutes les langues

La Chandeleur a inspiré de multiples dictons dans toutes les langues. Dans ceux-ci, il semble que le 2 février est perçu comme un jour important pour prédire le temps et les récoltes à venir. S’il fait clair et ensoleillé, on doit s’attendre à une période difficile pendant six semaines, et inversement : À la chandeleur, l’hiver meurt ou reprend vigueur ; rosée à la chandeleur, hiver à sa dernière heure ; quand le soleil à la Chandeleur dit lanterne, 40 jours après il hiverne ; Si l’ solo lût so les tchandèles, li leû r’mousse è s’ trô po sî saminnes (Si le soleil luit sur les chandelles, le loup rentre dans son trou pour six semaines), Qwand l’ lurson veût si-ombion al tchand’leûse, i r’mousse è s’ trô po sî saminnes (quand le hérisson voit son ombre à la Chandeleur, il rentre dans son trou pour six semaines). Les dictons reposent sur une observation des réalités : en cas de jour lumineux, la période de dégel n’est pas encore entamée et il nous faudra attendre au moins 6 semaines pour voir les beaux jours revenir. Mais, on s’étonnera peut-être de voir l’ours et son ‘petit’ frère, le hérisson, au sein de ces vérités populaires. Françoise Lempereur nous explique que « la symbolique de l’ours est forte à cette période de l’année. On le retrouve, par exemple, aux côtés de saint Blaise, dans l’iconographie religieuse. » Il semble que ce ne soit pas innocent : à travers l’ours, c’est la sortie de l’hibernation qu’on célèbre et si on le retrouve dans les dictons, c’est parce qu’il était un excellent indicateur météorologique.

De nos jours, le dicton n’a plus aucune valeur référentielle. On en use uniquement pour mémoire ou pour placer un bon mot. Plus aucun agriculteur n’observera les dictons que ses aïeux pouvaient respecter. Il serait totalement illogique, pour eux comme pour tout le monde, de faire confiance à un proverbe face à l’exactitude que peut offrir la météorologie.

Persistance de la Chandeleur

Annick Lelièvre

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Aujourd’hui, il est certain que la fête est grandement laïcisée. Les coutumes qui y étaient liées n’ont plus de signification sacrée. Cependant, la persistance de cette fête nous étonne, alors que nos saisons ont changé et que les croyances religieuses ont été bouleversées.

Françoise Lempereur conclut que « les gens sont de moins en moins pratiquants, l’histoire religieuse n’est plus systématiquement enseignée et certaines pratiques sont abandonnées par les prêtres eux-mêmes. Mais certaines des traditions liées à la Chandeleur, comme celles d’autres fêtes calendaires, se perpétuent pour deux raisons : d’une part, des intérêts commerciaux qui sont indéniables, d’autre part, la recherche d’une identité. Le monde actuel, parce qu’il n’est plus régi par l’irrationnel, a besoin de repères. Ces traditions offrent une symbolique, une part de sacré, mais également beaucoup d’amusement et de divertissement en prime ».

Ainsi, si la crêpe reprend chaque année davantage de vigueur, on regrettera peut-être que ce le soit aussi pour des raisons commerciales. Le respect des coutumes et des traditions populaires peut certainement permettre de lutter contre la mondialisation et le nivellement par le bas de la culture régionale, mais il faut veiller à ce que son authenticité n’en soit pas bafouée pour des raisons bassement économiques.

Baptiste Frankinet
Janvier 2014

 

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Baptiste Frankinet est journaliste indépendant et est attaché culturel au Musée de la vie wallonne.


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