À la chandeleur, la crêpe reprend vigueur !

Le deux février, chaque année, c’est crêpes au menu ! Pourquoi ? La Chandeleur, pardi ! Sans doute parce qu’elle flatte nos estomacs, la tradition ancestrale de cuire et, surtout, de déguster des crêpes, chaque année à même date, se maintient vigoureusement. Pourtant, la plupart des gourmands ignorent beaucoup de l’origine de cette fête et des multiples coutumes qui y sont liées. Françoise Lempereur, chargée des cours de patrimoine immatériel à l’Université de Liège, a accepté, comble pour cette fête annuelle de la lumière, d’ « éclairer » nos lanternes.


Une fête religieuse

presentationÀ l’origine, la fête de la Chandeleur est inscrite dans le rite catholique comme la commémoration de la purification de la Vierge Marie. Selon la tradition juive, la femme souillée par la naissance d’un enfant devait attendre 40 jours1 avant de pouvoir revenir au temple. Cet événement coïncide également avec la présentation officielle de Jésus au temple de Jérusalem et sa rencontre avec Siméon. Le vieil homme juste et pieux avait attendu toute sa vie la venue de Jésus pour lui annoncer le destin miraculeux qui l’attendait.

Albrecht Dürer, Présentation de Jésus au temple (Vie de la Vierge)
Collections artistiques de l'ULg

Aux premiers temps de l’ère chrétienne, c’était surtout cette rencontre que l’on souhaitait célébrer, ce pourquoi la fête portait le nom d’hypapante ou fête de la Sainte-Rencontre. À lui seul, Siméon symbolisait tout le peuple d’Israël en attente d’un sauveur depuis des siècles.

Françoise Lempereur rappelle que « la date de cette fête n’a pas toujours été établie au 2 février. Pour suivre le rite juif, il était important, nous dit-elle, qu’elle intervienne 40 jours après la naissance de Jésus. Or, la fête de Noël n’a été définitivement fixée au 25 décembre que tardivement et le Noël orthodoxe, par exemple, est encore fêté le 6 janvier ».

Certains ont cherché une ascendance païenne à la fête de la Chandeleur. « C’est un processus normal, nous dit Françoise Lempereur, l’homme cherche toujours à légitimer une coutume en la dotant d’une histoire plus ancienne ». Mais, il est certain que de nombreuses traditions existent à ce moment de l’année. « L’allongement des journées et le retour de la lumière donnent envie à l’homme de célébrer ces moments, sous quelque forme que ce soit ». Ainsi, à l’époque qui correspond au début du mois de février, les Celtes célébraient l’Imbolc, tandis que les Romains organisaient leurs Lupercales. Ces deux fêtes invoquaient les dieux pour une purification de la terre, afin qu’elle soit rendue la plus fertile possible.

 

Quand on tient à la chandelle…

StBlaiseMais la Chandeleur demeure une fête de la lumière. Dès l’époque du pape Serge Ier, au 8e siècle de notre ère, une procession est organisée pour chaque fête mariale. D’après les premières attestations, celle des « relevailles » de Marie a la particularité de se faire à la lumière de la bougie. Chaque fidèle romain arrivait, un cierge allumé à la main, vers le lieu de célébration. L’origine de cette coutume semble être la pompe impériale elle-même. L’étiquette exigeait que l’empereur soit précédé de cierges lors de ses déplacements. La présence de bougies en cette occasion rendait donc hommage à un tout autre seigneur, invisible celui-là2.

Dès le 9e siècle, on introduit une innovation liturgique : la bénédiction des cierges. Bientôt, parce que l’image en est plus frappante, c’est cet élément qui va donner son nom de Chandeleur à la fête, remplaçant ainsi les Purification de la Vierge ou autre Sainte-Rencontre. Comme à l’origine, on demandait à chacun d’amener un ou plusieurs cierges qui étaient bénis à l’église. Ces cierges s’entouraient alors d’une aura mystique et leur conférait un certain pouvoir.

Encore aujourd’hui, dans la tradition populaire, ils préserveraient les fidèles de toute une série de catastrophes naturelles : la foudre et le tonnerre, la grêle et l’orage, voire même le gel, le diable, les délires et la gangrène… Il était aussi d’usage d’allumer les cierges bénis lors de chaque rite de passage : naissance, passage à l’âge adulte, mariage ou décès. Dans certaines familles, on les allume encore en toute occasion.

Léopold RouhartParmi les rituels qui se perpétuent, Françoise Lempereur évoque celui de la Saint-Blaise, fêté le 3 février, au lendemain de la Chandeleur : « Dans certaines paroisses, comme à Saint-Pholien à Liège ou à Saint-Aubin à Namur, lors de la célébration de la Saint-Blaise, on impose deux cierges placés en croix sur la gorge des pratiquants. Cette bénédiction les protégerait des maux de gorge ».

Autrefois, la bénédiction valait aussi pour tout ce qui s’apparentait à une bougie et c’est ainsi que des copèzias ou compèzias, sorte de rats-de-cave en cire, en forme de croix ou en spirale, étaient, après avoir été bénis, collés aux cheminées, aux chambranles de porte ou à même le mur afin de protéger les maisons. Il était prescrit de les décrocher sous peine d’amener le malheur sur son foyer. La superstition allait parfois jusqu’à l’exagération, puisque certains hommes n’hésitaient pas à en emporter un morceau sous leur casquette pour s’assurer lesmêmes protections.


Photo © Léopold Rouhart
PhotoClub universitaire IMAGE





Haut les masques …

La Chandeleur clôture également un cycle. En Allemagne ou au Royaume-Uni, le 2 février constitue la date limite pour ranger ses décorations de Noël, sous peine d’amener l’infortune sur la maison. « C’est le grand feu qui met un terme définitif à l’hiver mais la Chandeleur est la dernière fête solaire, nous dit Françoise Lempereur. Le 2 février est d’ailleurs la première date possible pour célébrer le Carnaval, qui inaugure le Carême ». Rappelons que les festivités du Carnaval ont lieu 40 jours avant Pâques, qui est une fête lunaire et donc mobile. Un Mardi-Gras ne pourra donc jamais être célébré avant un 3 février, au lendemain de la Chandeleur. Et cette journée est déjà propice aux festivités : « Dans la région du Viroin, par exemple, à l’occasion des Intrigues, il est permis de se masquer de la Chandeleur au Mardi-Gras. Des personnes masquées font irruption dans les ménages et récitent des poèmes satiriques ou des vérités aux villageois. »



1 Pour être exact, le Carême dure 40 jours et 6 dimanches. Les dimanches ne sont pas comptés puisqu’ils n’étaient pas jeûnés.
2 Zeebroek, R., Fêtes d’hiver et calendrier liturgique dans les Pays-Bas méridionnaux, Bruxelles, Ministère de la Communauté Française, 2002, coll. « Tradition wallonne », n° 19.

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