À l'origine de la confiserie/ 1 : L 'Antiquité gréco-romaine et le monde musulman

La confiserie en al-Andalus

L’Espagne musulmane recueille l’héritage pharmaceutique oriental. Les confiseries se trouvent ainsi consignées dans quelques grabadins et livres de cuisine diététiques. On y remarque une persistance du miel, profondément ancré dans la tradition ibérique.

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Les berlingots réalisés en sucre tiré.
Illustration : Moyen Âge gourmand, 5e-13e siècles,
Histoire et images médiévales, n°18, 2009.

Le secret du pénide nous est enfin dévoilé dans l’œuvre d’Abulcasis10. On réalise un sirop à base de sucre et d’eau de rose. Afin de bien juger de la concentration du sirop, on en verse une goutte sur le marbre. Elle doit coller entre les doigts11 pour faire du sucre pétri, ou filer12 pour faire du sucre tiré. On verse ensuite le sirop sur une plaque de marbre enduite d’huile d’amande afin de l’étirer à la main. Le sucre pétri est débité en « fondants » et le sucre tiré en « berlingots ».

En dernière étape, on peut mêler de l’amidon blanc au pénide avant de le pétrir et d’en faire diverses figures. Abulcassis pose ainsi les bases du pastillage qui permet aux confiseurs arabo-andalous les réalisations en sucre les plus somptueuses.

Dans le livre de cuisine appelé communément l’anonyme andalou13, le pénide peut être aromatisé au musc, au camphre, au gingembre, au clou de girofle, au mastic et au nard.

En outre, le recueil abonde de pâtes de type massepain qui peuvent être agrémentées de figues, de raisins, de poires, de dattes ou de noix, ainsi que de nougats blancs, désormais confectionnés avec du blanc d’œuf. On y rencontre encore les robs14 orientaux, les juleb15, les ma’agin16 et l’éternelle gelée de coing. Les gawarisnat s’apparentent à des fondants ou des berlingots au clou de girofle, à la menthe et au musc.

Cette riche culture de la confiserie est désormais sur le sol européen. Elle passera dans le monde occidental chrétien via les traductions des ouvrages arabes en latin. C’est ce que nous verrons dans la deuxième partie de cette histoire des origines de nos sucreries…

Pierre Leclercq
Décembre 2013 

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Pierre Leclercq est historien de la gastronomie, collaborateur scientifique de l'ULg. Ses recherches doctorales portent sur la gastronomie au temps de Lancelot de Casteau.





10
De son vrai nom Abu-l-Quasim al-Zahrawi, auteur du Kitab at-Tasrif li-man ‘agiza’ an at-ta’lif, Livre de la diffusion à l’intention de celui que ne peut rassembler.
11
C’est le petit boulé, entre 112° et 116°.
12
C’est le petit cassé, entre 132° et 143°.
13
Kitab al-Tabikh fi-l-Magrib wa al-Andalus fi’asr al-Muwwahaaidin
14
Jus de fruit concentré hérité de l’antique defrutum.
15
Sirop à base d’eau et de sucre aromatisé à la menthe, à la rose, à la violette, au verjus, à la grenade, au citron ou à la pomme. Il en existe à base de sirop d’eau et de miel sous le nom de mellite.
16
Par exemple des bonbons à la menthe réalisés avec du miel pétri, des sortes de massepains de pignon et de noix vertes au miel, des violettes ou des roses confites qui rappellent les murrabayat.

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