Il découvre d’abord le court-métrage en couvrant pour son journal le festival Média 10/10 organisé à Namur avant de suivre le tournage de C’est arrivé près de chez vous en 1992, bizarrerie cinématographique qui révèle Benoît Poelvoorde et le conduit au Festival de Cannes. À Vers L’Avenir, il rencontre Benoît Mariage qui y travaille comme photographe et qui, après une collaboration régulière à l’émission télé Strip-tease et deux courts métrages (dont Le Signaleur, primé par la critique à Cannes), réalisera Les Convoyeurs attendent en 1999. Xavier Diskeuve se met alors à écrire des nouvelles sans encore penser à la réalisation.
C’est sur un autre tournage, celui des Randonneurs, en Corse, où il retrouve Poelvoorde, que son envie de faire du cinéma se concrétise. Il passe en effet une partie de ses journées à discuter avec l’équipe, notamment avec les techniciens qui lui font découvrir les divers aspects du métier. Après l’échec d’un premier projet avec le producteur Dominique Janne qui n’obtient pas l’aide de la Commission de Sélection des Films, il réalise pendant les vacances de Noël et avec une équipe bénévole, en le produisant lui-même, son premier court métrage, La Chanson-chanson (2002). L’histoire d’un chanteur amateur wallon invité dans une émission de télé française ressemblant à celle animée par Pascal Sevran. « Au début, ce ne fut pas facile, déplore-t-il. Personne n’en voulait, je ne recevais que des refus des festivals où je le présentais. » Il est finalement sélectionné pour celui des Films du Monde de Montréal, ce qui amène la Communauté française, découvrant qu’elle avait peut-être laissé passer une pépite, à lui octroyer une aide à la promotion. D’autres festivals qui l’avaient refusé, prenant le train en marche, se montrent à leur tour intéressés. Dont celui de Gand d’où il revient avec un prix UIP qui lui permet de concourir aux European Academy Awards en 2003.
Ce succès encourage le jeune réalisateur à se remettre au travail et, en 2004, il tourne Mon cousin Jacques, auquel la Commission, malgré la petite réputation internationale obtenue par son auteur, n’accorde qu’une aide à la finition. Le cousin du titre, chauffeur de la vieille guimbarde qui conduisait vaille que vaille Walter Molitor à Paris dans La Chanson-chanson, campe ici, coaché par un photographe de mariage, un agriculteur taiseux à la recherche d’une épouse. Le film remporte de nombreux prix en Belgique et en France. Outre leur humour en demi-teinte, tendre et subtil, jamais moqueur ni cynique, ces deux courts métrages ont comme principal point commun de se situer dans le milieu paysan. « Mon père était avocat puis magistrat mais son père à lui était marchand de vaches et son frère fermier, comme le sont mes cousins, explique le réalisateur. Avec ces cousins, on entretient une relation familiale un peu étrange, on les perd de vue tout en gardant avec eux un vrai lien remontant à l’enfance. »
Le cousin Jacques taciturne et inexpressif est interprété avec conviction par l’un de ses amis d’enfance, François Maniquet, qui, dans son autre vie, est un économiste de premier plan lauréat du Prix Francqui pour ses travaux sur l’économie juste. Ce n’est donc pas un comédien professionnel contrairement à Nicolas Buysse entré dans la peau de Walter Molitor. On retrouve cet irrésistible duo en 2006 dans le film le plus ambitieux de son auteur, Révolution, court métrage sans paroles (mais pas muet, le bruitage est important) et à l’univers décalé où figure également Christelle Cornil. Aidé par la Commission – enfin ! –, il remporte le premier prix au prestigieux festival de Montréal. Et, comme ces prédécesseurs, il est diffusé à la télévision (RTBF, TV5Monde, France 2, France 3…).
Xavier Diskeuve se lance alors dans l’écriture d’un scénario de long métrage mais le projet n’aboutit pas suite à un nouveau refus de l’aide à l’écriture de la Commission. Quelque peu démoralisé, il réalise alors un dernier court, I Cannes get no, où l’on voit Walter Molitor, piloté par son ineffable cousin Jacques – présenté comme un « chômeur wallon » –, parti vendre ses talents de comédien au Festival de Cannes. « Je n’avais plus la pêche pour faire autant d’effort de diffusion que pour les précédents, constate son réalisateur. J’avais l’impression d’avoir fait le tour. Au bout d’un moment, tu te sens vieux dans le circuit. »

Jacques a vu chez le medecin François Maniquet (Jacques), Jean-Philippe Lejeune (Dr Laruelle), Nicolas Buysse (Brice) © Bruno Stevens

Engagé un an par La Parti Production (Panique au village, Ernest et Célestine, Je suis supporter du standard), il entame, suite à un appel à projets de la RTBF, la rédaction d’une série télé en six épisodes, Jacques a vu. Mais, une fois de plus, le projet n’aboutit pas. C’est encouragé par le producteur-réalisateur Emmanuel Jespers qu’il transforme cette histoire en un scénario de long métrage qui, à défaut de l’aide à l’écriture, reçoit celle à la production (350 000 euros). Jacques a vu met en scène Brice et Lara (Christelle Cornil et Nicolas Buysse) qui, pour relancer leur couple, achètent – trop rapidement et cher – une maison en mauvais état dans un village ardennais. Peinant à s’intégrer, ils découvrent qu’une société néerlandaise envisage d’y construire un parc de loisirs. Comment s’opposer à ce projet regardé avec bienveillance par la majorité des habitants ? L’occasion va peut-être leur être offerte par le cousin Jacques en proie à des apparitions mystiques la nuit dans les bois. Bon nombre d'anciens de l'ULg ont travaillé sur le film : Nicolas George (directeur de production), Samuel Palm (régisseur général), Vincent Canueto (régisseur adjoint), Victor-Emmanuel Boinem (renfort régie), Dominique Donnay et Robert Germay (acteurs-silhouettes), Pierre Wathelet (acteur), Bastien Martin (assistant de production). Aujourd’hui en cours de mixage, le film devrait être terminé au printemps prochain. À temps pour poser sa candidature au Festival de Cannes. Ainsi qu’à d’autres manifestations cinématographiques de moindre importance.
Michel Paquot
Janvier 2014
Michel Paquot est journaliste indépendant.