Le Centre Henri Pousseur organise du 21 au 23 novembre son festival annuel «Images sonores» de musique électronique et musique mixte. Cette 15e édition propose un programme très riche et quelques nouveautés, tant dans le lieu que dans la forme.
Nouveau décor, digne du festival !
Pour fêter son 15e anniversaire, mais aussi pour accroître sa visibilité, le festival de musique électronique et musique mixte live organisé par le Centre Henri Pousseur, déménage une nouvelle fois. Après les plafonds hauts et froids de Saint-André et les gradins surchauffés du Théâtre Universitaire Royal de Liège, les Images Sonores seront cette fois visibles, et audibles, place du 20-Août, derrière le rideau de verre de la petite salle du Théâtre de Liège.
Les affiches proposent aussi un nouveau design aux couleurs vives et aux motifs évoquant la 3D et la vibration. S'avançant vers celui qui la regarde, l’image semble l'inviter à venir vivre cette expérience sensorielle.
Autre nouveauté qui accompagne ce changement de lieu, une adaptation d'horaire et de formule. Pour se conformer aux habitudes du Théâtre de Liège, les soirées commenceront désormais à 20h. Un court moment sera alors consacré à la présentation des œuvres, avant le début du concert. Cette introduction prendra la forme soit d'un exposé succinct, soit d'une discussion informelle avec les artistes soit encore d’une démonstration et explication des instruments ou dispositifs électroniques utilisés.
Les difficultés financières n’épargnent pas le Centre Henri Pousseur. Pourtant il a réussi cette année encore, à proposer une programmation riche et des musiciens de renom. Et les trois soirées proposent leurs caractéristiques habituelles : le jeudi met en avant un soliste et son instrument – en l'occurrence l'altiste Garth Knox -, le vendredi offre une carte blanche au Conservatoire Royal de Liège, ses classes de composition et composition mixte mais surtout celle de violoncelle, alors que le samedi est consacré aux percussions et aux spacialisations sonores – avec, cette année, Alexis Bourdon et Dimitri Coppe.
Programmation
Jeudi 21 novembre
Pour la soirée d’ouverture, le festival est très fier de présenter Garth Knox, pour la première fois à Liège. Et c’est Cédric Hustinx, co-responsable du label Cypres Records, qui introduira l’artiste et les trois œuvres qui feront voyager dans des ambiances très différentes.
La pièce de Kaija Saariaho sera, comme à son habitude, toute en douceur et subtilité avec ici l’exploration, non pas du souffle comme dans ses œuvres pour flûte, mais de ses pulsations, son lent mouvement de balancement.
Fruit d’une commande du Centre Henri Pousseur, créée par Garth Knox au Festival Ars Musica de Bruxelles en 2012, et inspirée du “Bouclier d’Héraclès” d’Hésiode, la composition de Philipp Maintz est fondée, peut-être plus classiquement, sur un dialogue entre l’instrument et les sons de synthèse.
Enfin, Partita I utilisera un capteur fixé au doigt du soliste. Analysant en temps réel les accélérations et pressions de l’archet sur les cordes de l’alto, il influence, au travers des variations des modes de jeu, le contrôle des sons de synthèse. Ainsi l’instrumentiste, via son corps et ses évolutions, remanie et transforme l’œuvre, toujours différente et renouvelée à chaque exécution.
Vendredi 22 novembre
La seconde soirée du festival, le vendredi, offrira une carte blanche au Conservatoire de Musique de Liège. Traditionnellement présentes du fait de leurs collaborations étroites avec le Centre, les classes de composition et composition mixte s’adjoindront, pour cette édition, les talents de la classe de violoncelle.
Initialement écrite pour quatre violoncelles, Tétra X 2 est ici joué par un double effectif avec des accordages différents. Avant la probable tonitruance de ces 8 instruments jouant ensemble, on pointera 3 moments plus intimistes.
Les 3 pièces de Patrick Loiseleur ont été spécialement écrites pour leur interprète, Yseult Kervyn (photo ci-contre). Extraites d’un cycle où chacune associe une couleur à une émotion, elles complètent le son direct de l’instrument par une variante électroniquement modifiée. Pour l’heure, cette variante est préalablement enregistrée mais, l’objectif du compositeur est de « pouvoir produire un jour une version sans éléments sonores pré-enregistrés”.
Les Échappées – pauses pluitées d’Aurélien Dumont emmènent l’auditeur dans “un régal lumineux et sonore”, donc tant visuel qu’auditif, qu’il a élaboré au départ d’une dualité entre des mélodies électroniques de certains sémaphores japonais et la musique traditionnelle – Toryanse, une sorte de comptine enfantine du 16e siècle – qui les ont inspirées. Comme un “Piétons. Traversez !” illuminée par le Soleil Levant ...
Enfin, Mosaïque, de Marcin Staczyk, est une pièce tout ce qu’il y a de plus visuelle. Au gré des indications écrites sur la partition, l’interprète doit intégrer à son jeu des mouvements, des mimiques, déclencher des effets électroniques... et tout cela sans archet. Sans doute une prouesse à mettre à l’actif d’Eugénie Defraigne, étudiante de deuxième master au curriculum déjà riche.
Samedi 23 novembre
Pour évoquer la soirée du samedi, il suffit de relater notre visite au Centre Henri Pousseur. Cette après-midi là, Robert Platz, veste noire sur une chemise d'un blanc étincelant, dirigeait les répétitions d'Alexis Bourdon. Le premier à une table encombrée de matériel informatique aux côtés de Jean-Marc Sullon, le second débout derrière ce qui ressemble tout à fait à un comptoir de bar, une caisse en bois tenant lieu à la fois d’instrument et de haut-parleurs. En effet, dans cette structure se trouve un transducteur qui subit tant le mouvement et le contact des mains du percussionniste que les vibrations du bois de la table à jouer. Il en résulte une étonnante chorégraphie où le jeune soliste tape, tantôt avec les doigts tantôt avec la paume de la main, sur une boîte de contreplaqué... qui ne produit pas le son attendu d’un bloc de bois ! Mais, au contraire, une variation électronique, et plus proche de cymbales, de sa vibration. L’effet est pour le moins surprenant. Si l’on ajoute que chaque musicien est invité à concevoir et réaliser sa propre caisse, avec une taille adaptée au lieu de représentation ou à sa morphologie personnelle, on comprend vite que voir “jouer d’une table” est une expérience intrigante. “Et un fameux challenge personnel”, comme le confirme, un peu éprouvé, Alexis Bourdon. Assurément une pièce à ne pas rater.
Tout comme la deuxième partie de soirée. Imaginez ce que peuvent donner 40 haut-parleurs répartis dans les quelque 160 mètres carrés de cette petite salle ? Difficile. Car chaque prestation de Dimitri Coppe est finement adaptée à la salle qui l’héberge. Plus de trois heures sont nécessaires pour installer le materiel, pour affiner son travail sur le lieu, équilibrer le son au rendu propre de l’espace, adapter les fluctuations de ce qui sort de la machine à une acoustique chaque fois différente... Car, comme l’artiste le conçoit “la salle doit devenir la feuille de papier de la partition”. Les sons s’asseyent au gradin, s’accrochent au grill, s’enroulent autour des spectateurs, se mirent dans l’œil vert.
Un voyage dans des territoires nouveaux
Une fois encore, et contrairement à ce qui a souvent été reproché à ce type de musique, il ne s'agit pas ici d'un voyage intellectuel, d'une écoute prise de tête ou réservée aux seuls initiés. Si la qualité et la notoriété des interprètes est bien au rendez-vous, les non spécialistes peuvent aussi voir ce Festival comme un voyage, une lente découverte de territoires nouveaux de la musique où les instruments ne produisent plus nécessairement leurs sons habituels et les interprètes ne sont plus seulement des musiciens mais, au travers de divers dispositifs appliqués directement sur leur corps – qu'on se rappelle de la prestation du Quatuor Tana lors des 14e Images Sonores ou comme ce sera le cas dans l'œuvre Partita I le jeudi - véritablement les agents, actifs et capitaux, de la production de la musique.
C'est pourquoi il faut assister aux Images Sonores, pour la découverte, l'expérience, l’exploration aux confins des recherches de la musique actuelle et le partage avec des musiciens qui sont, bien plus que dans d'autres concerts, accessibles et ouverts au dialogue.
Marc-Henri Bawin
Novembre 2013
Marc-Henri Bawin est étudiant en 2e année de master en Arts et science de la Communication
Plus d'infos : http://www.memm.be/fr/festival
Théâtre de Liège, place du 20-Août, 4000 LiègeEntrée: 15,00 € | réduit 10,00 € | article27 1,25 €
Réservations: + 32 4 342 00 00