Une conception longue et minutieuse
Derrière la pulsation rougeoyante qui anime le dernier-né de l’ULg se cache un travail de longue haleine, qui commence par le rassemblement de Jean Glibert et de Daniel Dethier autour des plans du futur complexe. Le peintre, qui avait suivi d’un œil attentif la création du campus du Sart Tilman au cours des années 1960, est immédiatement sensibilisé à la volonté d’intégrer un nouvel espace universitaire au cœur de la ville. Avant toute proposition, il explique avoir tenté de comprendre et d’analyser le bâtiment, en tenant compte de sa réalité fonctionnelle : alors que le spectateur ne s’attarde dans un cinéma que le temps d’un film, un site universitaire doit pouvoir devenir un véritable lieu de vie, investi tant par les étudiants que les enseignants. Ainsi, l’intervention de Jean Glibert ne se limite pas au choix d’une couleur, mais prend au contraire en compte de multiples paramètres. Le remplacement des fenêtres opaques par des vitres claires, ainsi que la création d’un large balcon, par exemple, s’inscrit dans une démarche d’ouverture à la vie urbaine ; cette transparence, conjointement à un éclairage soigneusement étudié, laisse entrevoir aux passants l’activité interne du bâtiment.
Le travail sur la couleur proposé par Jean Glibert est un des instruments de cette volonté de lisibilité. Plusieurs projets d’intention – dont celui d’attribuer à chaque salle une tonalité différente – voient le jour, avant d’aboutir à une évidence pour le peintre et l’architecte: il faut créer un lien cohérent entre les différents espaces. Plans d’architecte à la main, Jean Glibert cherche alors une forme qui traverse toutes les salles : un parallélépipède s’esquisse sur le papier, englobant les lieux de circulation et mordant sur les amphithéâtres. Pour l’ensemble du bâtiment, l’emploi de la couleur grise s’était rapidement imposé ; il permettait en effet de donner un sentiment d’uniformité malgré la diversité des matériaux employés. L’omniprésence de ce ton sobre réclamait un contraste avec une couleur forte : le choix de Jean Glibert et Daniel Dethier s’est instinctivement porté vers le rouge. Imprimant son dynamisme au sein des lieux de passage, il s’efface dans les salles de cours et sur la terrasse. Peinture, tissu des fauteuils ou encore caoutchouc, chaque matière est étudiée et sélectionnée pour constituer un ensemble de tonalités harmonieuses. Au fil des mois et de l’avancement du chantier, l’œuvre se développe sous le regard exigeant de l’artiste, et s’ajuste à la réalité du terrain ; comme l’affirmait Pierre Henrion2, «la dialectique entre les projets et les conditions de leur mise en œuvre est très lisible» chez Jean Glibert, et «elle constitue même un moment-clé du processus créateur».
Fruit d’un dialogue étroit entre peinture et architecture, l’œuvre de Jean Glibert tient compte tant de la couleur que de la forme et de la matière, construisant ainsi une démarche totale et cohérente. Loin de cantonner l’art pictural à l’austère limite du cadre, l’artiste bruxellois nous propose une création qui se vit plutôt que de se contempler. Une expérience qui sera partagée par des milliers d’universitaires dès cette rentrée académique 2013-2014.
Julie Delbouille
Septembre 2013
Julie Delbouille est historienne de l'art et diplômée en médiation culturelle
Toutes illustrations et photos © Daniel Dethier
2 Ibidem, p. 29.
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