Lorsque l’on évoque le concept de Festival du Film Fantastique en France, deux noms viennent bien souvent s’imposer comme les plaques tournantes de cette production de film de genre au sens large (fantastique, horreur, science-fiction, thriller,…) : le festival de Gérardmer (défunt Avoriaz) et celui de Neufchâtel. Mais depuis sa récente création en 2008, le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg (FEFFS) a réussi à s’élever au rang des deux piliers de la catégorie en France. Le festival ouvrira ses portes du 13 au 22 septembre prochain. Des zombies, des primates et du sang.
Fêtant ses 80 piges depuis la sortie du légendaire King Kong de Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack en 1933, l’illustre primate survitaminé sera à l’honneur tout au long du festival au travers d’une rétrospective de douze films (allant jusqu’au remake de Peter Jackson en 2005). L’acteur Peter Cushing, icône majeure du cinéma d’horreur depuis ses interprétations dans les productions de la Hammer Film de rôles tels que le Baron Frankenstein, Sherlock Holmes ou encore du Dr. Van Helsing, sera également mis à l’honneur avec la projection d’une version restaurée du film Corruption (Carnage, 1968) de Robert Hartford-Davis.
L’intérêt premier de ce festival se situe bien sûr du côté de la programmation officielle, offrant un panel de films issus d’horizons variés et témoignant de deux grandes tendances.
Sang pour sang
Loin de toutes tentatives de renouvellement du genre fantastique, une série de films dévoile des sujets déjà convenus, approchés de manière décalée et gore renouant avec l’esprit grand-guignolesque des eighties. L’horreur et le fantastique passe ici par une conception de monstration forte, guidée par un humour noir particulièrement acide et protestataire. Ainsi, différentes thématiques clés sont abordées comme les araignées géantes dans Big Ass Spider de Mike Mendez, les zombies dans The Returned de Manuel Carball, les vampires dans The Kiss of the Damned d’Alexandra Cassavetes (la fille de John), la possession démoniaque et monstrueuse dans Bad Milo ! de Jacob Vaughan, et aussi les sketches horrifiques dans V/H/S 2, attendu après un premier opus fort intéressant.
Malgré quelques sujets pour le moins douteux (Frankenstein’s Army de Richard Raaphorst se résume en trois mots : Frankenstein, nazis et zombies ; APP de Bobby Boermans met en scène un téléphone qui va être lié à différents événements mortels), cet ensemble de films témoigne de l’ambition des cinéastes de vouloir faire perdurer un héritage genrifié tout en singularisant quelque peu leurs propos : les zombies sont soignés et civilisés chez Carball, tout comme les vampires de Cassavetes sont sensuels et bouffons, l’hôte démoniaque de Vaughan s’apparente plus à un Gizmo innocent qu’à une créature cronenbergienne.
Une approche auteuriste
Il est facilement constatable que l’autre catégorie de films représentés tout au long du festival repose sur une approche moins originelle et traditionnelle des grands codes du fantastique. Dark Touch de Marina de Van dévoile par exemple l’histoire pour le moins mystérieuse d’une famille victime d’objets et de meubles animés, en reposant sur une facette purement sanglante, tout comme la réalisatrice française l’avait déjà fait dans son film Dans ma peau en 2002. Le public pourra entre autre assister à la projection du film Borgman d’Alex van Warmerdam présenté en compétition officielle à Cannes en mai dernier, narrant l’histoire d’un étrange personnage s’introduisant dans une maison dans laquelle il va peu à peu manipuler et influencer les habitants. For Those in Peril de Paul Wright également projeté à Cannes, lors de la Semaine de la critique, est quant à lui centré sur l’histoire d’un jeune homme à la recherche de son frère présumé mort. La thématique de la mort constitue aussi le point central du film Love Eternal de Brendan Muldowney qui corrobore l’idée d’un cinéma fantastique exploré de manière plus auteuriste sans toutefois négliger l’aspect de divertissement pur du genre. Muldowney montre ainsi l’histoire d’un homme en proie à des tendances suicidaires, retrouvant goût à la vie par le biais d’un rapprochement tant physique que psychique avec les morts.
Dark Touch - Borgman
Citons également Graceland, thriller en provenance des Philippines sur fond de corruption politique et de prostitution juvénile, Upstream Color de Shane Carruth, annoncé comme un film à la frontière des univers de David Lynch et de Terrence Malick, et Big Bad Wolves de Navot Papushado et Aharon Keshales, Papushado étant le réalisateur du premier film d’horreur israélien, Rabies en 2010, assez réussi et démontrant l’habileté du cinéaste à se réapproprier les codes de l’horreur.
Une stratégie de visibilité
Alors que le festival s’ouvrira avec le film We are what we are de Jim Mickle présenté à Cannes à la Quinzaine des réalisateurs, il sera clôturé par la projection de Machete Kills de Robert Rodriguez qui attirera à coup sûr un large intérêt, après un premier opus déjanté, avec entre autre au casting Mel Gibson, Jessica Alba et Lady Gaga. Dans l’optique d’élargir la visibilité de ce festival prometteur, manquant tout de même quelque peu de diversité au niveau de la sélection, les organisateurs ont choisi d’accorder une place importante aux jeux vidéos, ainsi qu’à différentes animations qui permettront aux spectateurs les plus fidèles de se déguiser en zombie pour défiler dans les rues, d’assister à des concerts ou de se balader dans le village fantastique conçu pour l’occasion avec différents spectacles programmés. Bien que récent, le FEFFS bénéficie d’un vaste programme et d’infrastructures conséquentes. À l’image du festival développé l’année dernière à Paris, il fait partie de ces événements vitaux pour un répertoire de films liés à différents genres souvent peu soutenus et médiatisés. L’avenir nous dira si le festival réussira à consolider son positionnement cinématographique et à embrasser une longévité digne de ses plus illustres prédécesseurs.
Nicolas Hainaut
Septembre 2013
Nicolas Hainaut est en 2e année de Master en Arts du spectacle, à finalité spécialisée en cinéma documentaire. Son sujet de mémoire : L’émergence du cinéma de genre horrifique en France dans les années 2000.