Les Ardentes : un phénomène en expansion

ardentesEn 2006, sous le nom accrocheur des Ardentes, un nouveau festival voyait le jour sur le site du Parc Astrid à Coronmeuse. Ses organisateurs, sans trop le clamer, étaient bien décidés à mettre à mal l’idée selon laquelle organiser un événement musical important dans la région liégeoise relevait de l’impossible (il se trouverait facilement du monde du côté de Visé, Nandrin ou Saint-Hadelin pour évoquer la façon dont certains responsables politiques de ces entités ont délibérément entravé les efforts de ceux qui tentaient d’y dynamiser la vie culturelle). Rétrospectivement, il est frappant de constater à quel point la première édition des Ardentes annonçait la ligne de conduite fédératrice du projet et, d’emblée, affichait ses ambitions en proposant un line-up hétéroclite, rassemblant d’importantes figures indie (Cocorosie), différents DJ et artistes électroniques consacrés (Oxia, Modeselektor, Detroit Grand Pubahs), des représentants de la scène française (Dominique A), plusieurs noms de la scène hip-hop (TTC, Le Peuple de l’herbe), un important contingent de régionaux de l’étape (Été 67, My Little Cheap Dictaphone, Malibu Stacy) et, enfin, un certain nombre d’artistes plus fédérateurs, destinés à attirer un plus large public et à assurer la réputation globale du festival (Indochine).

Depuis, réitérant annuellement ce cocktail efficace, Les Ardentes, devenues SPRL en 2010, ont fait plus que prospérer : à la veille de la huitième édition, les organisateurs peuvent se targuer d’avoir réussi, en très peu de temps, à imposer leur festival comme une référence incontournable dans le paysage belge. Du reste, le référent s’est aujourd’hui considérablement élargi : Les Ardentes, c’est non seulement un hypéronyme englobant le festival qui se déroule début juillet (qui, de deux jours pour sa première mouture, est désormais passé à une programmation s’étalant sur quatre journées), une importante soirée électro en janvier (les Transardentes) et une série de concerts ponctuels dans différents lieux liégeois (les Ardentes Club), mais c’est encore, par filiation directe, les Heures InD (version réduite du festival prenant place en octobre, à la Caserne Fonck) et le Ronquières festival (rejeton périphérique du mois d’août), sans parler de la collaboration avec le Jazz Festival de Liège.

Tentaculaire et imposant, le phénomène Les Ardentes fait parfois grincer des dents et certains craignent que son omniprésence tende à éclipser d’autres réalités culturelles. Le projet a, de cette façon, donné involontairement lieu à sa propre parodie, qui s’incarne dans le festival alternatif et gratuit des Barbantes (et, en janvier, des Transbarbantes). On relira avec profit, à ce sujet, l’interview croisée de Fabrice Lamproye, organisateur des Ardentes, et du Collectif Tadda, à l’origine des Barbantes, publiée dans l’excellent 9e numéro de la revue Kult, dédié aux lieux de la culture liégeoise.

Il n’empêche que, dotées d’une identité forte constituée par autant de détails bien spécifiques (à l’image de la fameuse « Route des saveurs » reliant les Halles à la Grande Scène, qui ravit le palais des uns et est honnie par les autres en raison de sa longueur), Les Ardentes font désormais partie des institutions culturelles liégeoises. Au moment de la fermeture de la Soundstation, peu nombreux étaient ceux qui pensaient avoir l’occasion de voir ou revoir un jour en bord de Meuse des artistes de la trempe de Calexico, !!!, Death in Vegas, Why?, Sharon Van Etten, Shearwater, Gossip, Sage Francis, Tricky, P.I.L., Pavement, Crystal Castles, Morissey ou Patti Smith. Le seul fait d’avoir attiré ceux-ci à Liège, plus encore que l’exploit d’y faire venir d’énormes pointures mainstream (de Marilyn Manson à Snoop Dog), mérite assurément une certaine reconnaissance.

miguelEt si, comme c’est désormais toujours le cas, la programmation de cette année fait débat, on ne se privera pas de parier très subjectivement sur quelques-uns des concerts qu’il ne s’agira pas de manquer. Le premier soir (11 juillet), on sera de cette façon très attentif au concert de Miguel (photo à droite), petit prodige américain du revival r&b à situer dans la veine d’un Frank Ocean et dont la participation au festival constitue peut-être le plus grand coup de force des organisateurs. Le même soir, on notera également la prestation de Nas, considéré autant par la critique que par ses pairs comme une légende du hip-hop. Le vendredi 12 juillet, ce sont encore les artistes catalogués hip-hop qui suscitent l’intérêt, parmi lesquels les jeunes Français de 1995, prêts à défendre sur scène leur album Paris Sud Minute, Grems, l’ex-membre des pionniers Hustla, et Puppetmastaz, dont le show marionnettiste avaient déjà séduit en 2008. À signaler aussi, ce jour-là, le dernier concert belge du collectif hip-hop punkeux de Stupeflip, qui se sabordera après une ultime tournée estivale. Le samedi 13, parmi les grands noms de l’affiche, on ne manquera pas d’épingler le retour du plus important et plus influent des groupes belges, dEUS, dont le kaiserleader, Tom Barman, avait livré une prestation enflammée aux Ardentes en 2009 avec son side-project Magnus. On parie aussi, sans trop se mouiller, sur la réussite de la pop hyper dynamique des anglais de Kaiser Chiefs (photo à gauche), plus tôt dans la soirée, et sur celle du rock indie de The Maccabees, récents récipiendaires du NME Award du meilleur album de l’année pour leur Given To The Wild. Le dimanche, jour traditionnellement consacré à une programmation plus familiale, on attend principalement la performance d’Hanni El Khatib, qui rappelle d’autant plus les Black Keys qu’on sait que son premier album a été produit par Dan Auerbach. Enfin, comme toujours, on ne se privera pas d’aller jeter une oreille attentive du côté des artistes locaux et, en particulier, du math-rock enjoué de Two Kids on Holiday, de la pop harmonique de Lieutenant, du rock celtique de Yew (qui vient de sortir un single avec Arno), des envolées faussement naïves de Pale Grey et du groove hypnotique de Mokele.

 

Denis Saint-Amand
Juillet 2013

 

 

crayongris2Denis Saint-Amand est chargé de recherches du FNRS et maître de conférences à l’Université de Liège. Il est également rédacteur pour le webzine musical Goûte mes disques.

 

 


 

 


http://www.lesardentes.be/



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