Sexuation ou sexisme ? Le cas de saint Nicolas et du Père Noël
magasin jouets

Les jouets, dont le rôle est d'apprendre à appréhender et gérer la réalité, restent très souvent ancrés dans une sexuation traditionnelle socialement inadaptée. Que l'on observe les catalogues de jouets, les publicités, l'organisation des magasins de jeux, les contes et illustrations des livres pour enfants ou même les vêtements et l'usage des couleurs,  il est évident que des rôles sociaux différents sont dévolus aux deux sexes. Notre société – c'est-à-dire nous tous –  n'est peut-être pas aussi libérée qu'elle le prétend.

 

Ô grand Saint-Nicolas patron des écoliers apportez-moi des pommes dans mes petits souliers. Et toi, Petit Papa Noël, quand tu descendras du ciel avec des jouets par milliers, n'oublie pas mes petits souliers.

Tout petits, les enfants reprennent en chœur à l'école ces chansons dès le mois de novembre (parfois plus tôt), pour préparer la venue de l'hiver et des bonshommes respectables et généreux qui, s'ils ne font pas nécessairement le tour de toutes les chaussures et maisons (pour des raisons de finances, culture, religion, croyances, refus, dépression...) n'en font pas moins le tour des classes dans toutes les sociétés nord-occidentales notamment.

 

Tradition et système socioculturel

fille rose

La socialisation comprend la tradition.Saint-Nicolas fait partie de la tradition turque actuelle, belge, hollandaise, lorraine française, et d'autres encore. Quant au Père Noël, c'est le monde entier qu'il doit satisfaire en une seule nuit. De plus en plus de films, de documentaires et d'émissions essaient de maintenir cette part de rêve aux petits, indispensable non seulement au développement de l'imaginaire mais surtout à l'inscription et à la reconnaissance de l'appartenance à une même culture par le partage commun de mêmes origines, histoires et valeurs.

Pourtant c'est un aspect socioculturel bien plus profond qui est débattu aujourd'hui dans les cultures égalitaires et citoyennes : Saint-Nicolas et le Père Noël sont-ils sexistes ? On aurait envie de dire oui. Malheureusement ce serait, en tant qu'adultes et scientifiques, reconnaître une existence réelle, et actuelle, à des personnages appartenant à une légende, qui prend racine dans un passé lointain. Les elfes ne nous aident pas plus. Force est donc de reconnaître que les individus qui composent un système socioculturel sont les seuls responsables du sexisme transmis, si sexisme il y a.  Imputer la faute à la société,  une espèce d'entité indépendante qui impose ses diktats, est un peu facile. Toute société est composée de nombre d'individus qui ont été élevés, armés et responsabilisés selon le système socioculturel dont ils sont originaires, comme représentants de cette culture qu'ils doivent à leur tour transmettre à leurs descendants. Tout le monde est impliqué : les parents, la fratrie, la famille élargie, les proches, l'entourage, le groupe, la communauté, le quartier, la ville, etc. D'autre part, la familialisation (à partir de la parenté et de la famille, liens du sang, contrats et alliances) est immédiatement accompagnée par la socialisation dont l'institutionnalisation est une part importante : hospitalisation, passage par la crèche, scolarisation, conservatoire, académie, mouvements de jeunesse, sport, clubs divers... Mais aussi vie en groupe, transports en commun, vacances, commerces, environnement, médias, etc.

Société égalitaire

Les sociétés nord-occidentales ont acquis (ou se sont réapproprié) l'égalité citoyenne entre hommes et femmes suite au travail intensif des suffragettes. Le droit de vote implique le droit à l'espace public et la reconnaissance sur cet espace. Lors de la deuxième guerre mondiale, les femmes ont remplacé efficacement les hommes, manquants, dans tous les travaux qui leur étaient réservés. Mai 68 a été une période décisive par le droit à la gestion sûre de la reproduction, avec la contraception qui permet de gérer les naissances, et la paternité, mais également d'avoir ou non des enfants. L'épanouissement et la raison d'être de la femme ne passe plus par la case mariage-foyer-épouse de- et-mère. Tous les espaces publics sont ouverts et donc investis par les femmes. Et si les hommes ont mis plus de temps pour entrer dans l'espace privé volontaire (licenciement et chômage par exemple sont involontaires), autant domestique que parental, ils n'y sont pas moins présents, voire même à plein temps lorsqu'il s'agit de familles monoparentales masculines et surtout de pères au foyer. Pourtant...

 

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