Mady Andrien est une artiste dont la renommée n'est plus à faire. Chacun peut admirer ses sculptures disséminées un peu partout dans les lieux publics de Liège et ses environs, ainsi que dans de nombreux musées et institutions. Et même si son nom n'est pas toujours connu, ses personnages font partie de notre quotidien. Nous avons tous retenu notre souffle devant « les Danseurs » suspendus de la Galerie Opéra, respiré la sérénité devant « la Piscine » au seuil de l'hôpital de la Citadelle, ou été interpellés face aux « Principautaires » Place Saint-Barthélemy, ou devant « Le Nanti » dans le domaine universitaire du Sart Tilman. La longue et riche carrière de Mady Andrien était récompensée ce mercredi par le Conseil Culturel Mondial au cours d'une cérémonie qui se déroulait à l'ULg. L'occasion de poser quelques questions à l'artiste.
Vos œuvres représentent toujours des émotions, des états émotionnels de la vie. Quels sont les sentiments qui vous tiennent à cœur?
Il est primordial pour moi qu'une œuvre représente un sentiment. Sinon, quel est l'intérêt? Je préfère bien sûr représenter la joie de vivre, même s'il m'arrive de montrer l'angoisse et la solitude. Mais les thèmes qui me tiennent à coeur, ce sont les couples, et les situations de groupe, où chacun doit se positionner par rapport aux autres. Jamais la haine ou la méchanceté, à moins que je ne sois mue par une impulsion du moment, mais je le regrette après. Par exemple, après mon divorce, j'ai injecté toute ma haine dans « Bête et méchant », une sculpture qui représente un grand dadet ventru, un saut renversé sur la tête. Avec du recul et le temps apaisant les tensions, je ne supporte presque plus de la voir.
Où trouvez-vous l'inspiration?
J'attends toujours des nouvelles propositions qui vont m'étonner. J'aime quand on me pose un problème, quand on me demande de travailler en fonction d'un endroit, d'un thème, d'un format. Mais j'aime aussi travailler pour moi.
Je ne travaille jamais d'après modèle, tous mes sujets représentent des situations, parfois empruntées au quotidien, mais toujours revues par mon imagination. Je souhaite que mes personnages soient intemporels, c'est pourquoi je les représente souvent nus.
Vous avez d'abord été professeur, puis directrice de l'Académie des Beaux Arts de Liège, qu'avez-vous préféré ?
Le professorat, de loin. Le contact avec les élèves est enrichissant. Surtout aux cours du soir, où j'enseignais l'art à des élèves d'âges divers et d'origines sociales variées. La direction de l'académie est un travail beaucoup plus administratif, je l'avais accepté comme fin de carrière. C'était une manière de couper un peu le cordon, de m'éloigner en douceur de mes élèves, puisque j'ai été professeur très jeune.
Vous ne travaillez que le figuratif ?
J'ai reçu un jour une demande de l'architecte Myreck Safin pour une œuvre monumentale qui devait orner une place publique de Medine en Arabie Saoudite. La seule consigne, c'est qu'elle devait être abstraite puisque la figuration était interdite dans l'art musulman. C'était ma première, et ma dernière expérience de l'abstrait. Je me sentais incapable d'exprimer quoi que ce soit. Aujourd'hui, je suis déçue de certains artistes contemporains, qui bâclent et prennent les gens pour des imbéciles.
Quelles sont vos influences ? Un artiste-moteur ?
Non, pas un en particulier. J'aime tellement de choses différentes, et surtout différentes de moi. Mais les influences sont multiples. Prenez l'exemple du « Nanti » au Musée en plein air du Sart Tilman (photo ci-contre). Les deux chaises sur lesquelles ce gros bonhomme s'assoit, si vous y regardez bien, sont emballées. Mais je n'y aurais peut-être jamais pensé si Christo n'avait pas existé avec ses célèbres objets empaquetés.
Je peux être influencée par des contemporains, même si je reste une artiste classique. L'influence, ce n'est pas vraiment quelque chose de palpable. On est un peu influencé par tous les courants qui nous traversent, tous les artistes qui nous ont précédés et ceux qui nous entourent. Si je devais citer un nom de peintre, je dirais peut-être Balthus, que j'admire énormément et à qui j'ai d'ailleurs rendu hommage en me livrant à une relecture assez personnelle de « Partie de cartes ».
Photo© Claude Sottiaux
Quel conseil donneriez-vous aux jeunes artistes ?
Il faut s'accrocher, ne pas sombrer dans la dernière mode, embarquer dans la dernière tendance pour plaire. Il faut se chercher, même si ça prend du temps.
Bérénice Vignol
Novembre 2009
Quelques-unes de ses œuvres à Liège
Les Passants
Œuvre installée au rond-point de la rue de Campine et de l'avenue Victor Hugo
Le Rameur
Œuvre installée quai Mativa
Le Saute-Mouton
Œuvre installée près du centre culturel des Chiroux
Un grand merci aux membres du Photoclub universitaire Image pour leur collaboration.