Qu’est ce qui arriverait si tous les citoyens décidaient de voter blanc ? Le prix Nobel portugais consacre son roman La lucidité à cette épineuse question qui a provoqué lors de sa paution, des malaises dans la classe politique portugaise et internationale. Les élections communales d’une ville sans nom constituent le décor choisi par l’auteur afin de plonger dans les profondeurs de cette «option politique», le vote blanc, qui passe souvent inaperçue mais qui représente des risques. Par une journée orageuse, peu propice à ce devoir démocratique du peuple, les citoyens de la ville sans nom décident de voter blanc en masse, sans aucune concertation préalable. Face au résultat inattendu, le pouvoir en place réorganise les élections une semaine plus tard. Les résultats non seulement se confirment, mais le taux de votes blancs est encore supérieur à celui de  la semaine précédente. Au lieu de se remettre en question, le gouvernement fait d’abord recours à la censure puis à l’état de siège pour se lancer finalement à la recherche des supposés incitateurs, inexistants, de cet acte révolutionnaire qui met en danger le système en place. La machine étatique se met en route pour trouver les conspirateurs qui doivent, forcement, être liés aux événements étranges qui ont rendu la ville aveugle quelques années auparavant. Ce clin d’œil à son roman précèdent intitulé L'aveuglement se tissera davantage dans le récit grâce à la mise en scène de la seule «voyante» lors de la crise de l'aveuglement, son personnage sera opposé à celui d’un détective engagé par l’État pour dévoiler l’affaire. Au fil de la lecture, La lucidité s'avère une véritable leçon de mise en question de la démocratie, saupoudrée de fantaisie, mais qui en même temps permet au lecteur une réflexion sur l’état actuel de la vie politique, grâce à son style particulier et à la distanciation du narrateur face au développement du récit. Il s’agit sans doute d’un roman politique qui rouvre le débat autour de la démocratie et qui met en perspective les options auxquels les citoyens peuvent faire recours pour protester. En résumé, une invitation à la réflexion, à la critique et l’analyse politique, sociale et économique de l’actuelle démocratie et de la société qu’elle a engendrée.

Marta Luceño Moreno
Juin 2013

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