Entre vie sédentaire et nomade, immobilité et mouvement, présence et absence, passé et futur : le roman Heimsuchung de l’auteure allemande Jenny Erpenbeck parvient à évoquer ces multiples contrastes et à les intégrer dans un rapport dialectique. Sa conception est finement pensée. Une terre près du Scharmützelsee, un lac situé dans le Brandebourg, et plus tard une maison servent de point d’ancrage autour duquel s’articulent douze personnages dont les vies sont reliées aux événements majeurs de l’histoire allemande depuis la république de Weimar jusqu’à la réunification, en passant par les affres de l’Holocauste et les réalités de la RDA. Or, c’est dans l’apparente continuité représentée par la succession de générations en un même lieu et le rythme cyclique de la nature que s’inscrivent la discontinuité et la souffrance : celles-ci se manifestent non seulement dans les départs abrupts des différents maîtres de maison mais aussi dans le mode de narration, qui traduit par des silences les fractures et les traumatismes des différents protagonistes. En centrant son roman sur l’histoire, le devoir de mémoire et la quête d’identité, Jenny Erpenbeck embrasse des thèmes universels mais aussi et surtout caractéristiques de nombreux romans allemands contemporains, ces Familienromane qui racontent l’Histoire collective du 20e siècle à travers les histoires d’une ou de plusieurs familles. Par sa densité et son style alliant brutalité et mélancolie, le roman de Jenny Erpenbeck en est un exemple particulièrement poignant. À découvrir absolument !
Valérie Leyh
Juin 2013
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