Lire Kafka pendant les vacances d’été ? Quelle drôle d’idée, direz-vous peut-être, vous souvenant de Josef K., le protagoniste du roman Le procès qui, livré à des puissances incompréhensibles et insurmontables, finit par être assassiné. Mais Kafka n’a pas écrit que des romans ! Le Kafka que j’apprécie le plus est celui des récits courts, des lettres, des journaux intimes et des aphorismes concis. C’est précisément ce Kafka-là que l’on peut (re)découvrir dans un petit recueil paru dans la collection « La petite classique » aux éditions La Nerthe. À redécouvrir également, Jean Carrive (1905-1963), un des premiers traducteurs français de Kafka, qui considérait ses traductions, réalisées sans exception sous l’occupation, comme un acte de résistance contre le hitlérisme.
Outre le long récit Au bagne (In der Strafkolonie), récit qui, en effet, compte parmi les textes les plus accablants de Kafka, le recueil comprend la célèbre Lettre à son père, plusieurs récits très courts nommés « paraboles » (Le silence des sirènes, Prométhée, Odradek,…) ainsi que des fragments tirés des journaux intimes. Ce sont justement ces extraits de journaux qui mènent le lecteur au beau milieu de l’écriture kafkaïenne, écriture caractérisée par une clarté et une exactitude linguistique admirables. « Nous creusons le puits de Babel » est une de ces phrases caractéristiques auxquelles on peut réfléchir pendant des heures. Une autre découverte à faire: la réflexion psychologique – ou philosophique - sur la manie des lectures nocturnes de l’enfant et sur les tentatives brutales des parents (première expérience de l’impuissance !) de réprimer ces excès de lecture. Leurs arguments, bien que raisonnables et irréfutables, n’ont pas pour autant pu convaincre l’enfant, « parce qu’en définitive tout cela n’atteignait même pas aux confins de ce qui mérite réflexion. Car tout était infini […]. Le temps était infini, il ne pouvait donc être tard ; ma vue était infinie, je ne pouvais donc l’abîmer ; la nuit même était infinie, point besoin donc de se préoccuper du lever matinal ! »
Un bréviaire littéraire très stimulant, pas seulement pour les vacances d’été !
Vera Viehöver
Juin 2013