Née en 1975, la romancière Elsa Marpeau semble avoir vécu plusieurs vies, de Nantes à Paris et de Paris à Singapour. Après une thèse en théâtre du 18e siècle, une brève carrière d’enseignante en arts du spectacle à Nanterre et de préfacière pour Librio (dont Les Onze mille verges d’Apollinaire), elle se tourne vers l’écriture de scénarios, mais publie du roman noir.
Prix de la Plume de cristal 2013, L’expatriée, paru en 2013 dans la célèbre collection Série noire de Gallimard, revitalise le genre, non sans troubles, par le recours à l’autobiographie. Elsa suit son compagnon à Singapour pour raisons professionnelles. Elle devient une expatriée de plus dans un condominium chic dont les résidentes partagent la vacuité de leur existence autour de la piscine. L’ennui, la chaleur, l’inertie, la solitude, l’humidité et un malaise morbide la précipitent dans les bras d’un nouvel arrivant dans la résidence, l’Arabe blond. Mais cette liaison finit de lui faire perdre ses derniers liens au réel. Ce qui peut s’avérer fâcheux lorsque l’on est accusé de meurtre… Elsa Marpeau se livre à une analyse de son propre désœuvrement, de la violence des échanges entre privilégiés, des rapports de domination (la place des maids et des domestiques) et des fantasmes nés des rêveries exotiques.
Vénéneux, le texte croise L’Étranger de Camus et Hanyo (La Servante), le film classique de Kim Ki-young. Surtout, et la chose est à pointer tant la plupart des polars sur le marché en semble dépourvus, le roman affiche ses ambitions littéraires.
Un beau roman noir et moite.
Dick Tomasovic
Juin 2013
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