Aux malheureux qui avaient atteint la quarantaine, Roger Nimier préconisait le peloton d’exécution. Le sort voulut qu’il n’ait jamais à se poser la question de savoir s’il accepterait ou non le bandeau sur les yeux. La nuit du 28 septembre 1962, l’auteur du Hussard bleu se tuait accidentellement dans cette Aston Martin dont il aimait pousser le moteur à d’imprudentes extrémités. Il n’avait que 37 ans.
L’ensemble d’hommages et de témoignages rassemblés dans le Cahier de L’Herne qui lui est consacré pour former « une polyphonie de points de vue » (d’après l’expression de son maître d’œuvre, Marc Dambre) nous remet sous les yeux un Nimier sans cesse en mouvement, passant avec frénésie d’un masque et d’un livre à l’autre. Mais la légèreté de Nimier n’avait pas grand-chose à voir avec la superficialité de l’époque. A posteriori, il est vrai que la réputation de l’homme souffrit un peu du même effet d’étiquetage que l’on appliqua à Drieu la Rochelle. Ces deux-là avaient en commun une indéniable allure de dandy (inconstant et inquiet pour Drieu, potache et insolent chez Nimier), mais l’attention exagérée que prêta à cette attitude une certaine critique contribua à occulter leur réelle dimension littéraire.
Frédéric Saenen
Juin 2013
Retour à la liste des essais et documents
Retour aux Lectures pour l'été 2013