Raconter la crise financière sous forme de bande dessinée, tel est le pari tenu par l'anthropologue Paul Jorion (devenu célèbre pour avoir anticipé la crise des subprimes) et le dessinateur Grégory Maklès ; il s'agit donc d'un essai, jusque dans la forme. Au fil des pages, la bande dessinée retrace une histoire du capitalisme et de la spéculation financière, dont elle propose une interprétation radicalement critique. À la critique de la domination est  associée une analyse d'obédience marxiste sur les limites inhérentes au système, à ses contradictions internes qui vont nécessairement le conduire à sa perte, etc. À ce titre, l'analyse vaut le détour car elle introduit de manière efficace quelques-uns des ressorts de la crise que nous traversons actuellement, et le choix de la BD pour mettre cette analyse en scène est pertinent pour ceux qui n'ont aucune notion d'économie politique et qui souhaitent en apprendre davantage. Le dessin est très vif. Le dessinateur travaille dans le registre du croquis, ou du dessin de presse, avec un griffonnement rapide et des traits distinctifs sur lesquels il porte une emphase relevant de la caricature. Tout l'ouvrage déploie un humour noir assez jouissif et libérateur, parfois même très noir. On ne ressort sans doute pas de la lecture avec des solutions convaincantes à « la crise » actuelle, mais à tout le moins on passe un bon moment et on s'instruit par la même occasion : que demande le peuple ?

François Thoreau
Juin 2013

  I    Suivant   >

Retour à la liste des bandes dessinées
Retour aux Lectures pour l'été 2013