Neil Young, qui depuis Woodstock, compte parmi les musiciens les plus influents du rock, a écrit cette autobiographie comme il joue de la guitare. C’est du brut de décoffrage, décousu, rapiécé, sans complexe. Certains, comme pour l’excuser, mettent cela sur le compte de la traduction de Bernard Cohen et Abel Gerschenfeld et je n’y crois pas deux secondes. Le « Loner », le solitaire comme on l’appelle depuis sa chanson de 1968, est un sexagénaire qui écrit comme ça – ça se fait plus facilement en Amérique –, sans autre structure que celle du fil des souvenirs qui viennent les uns après les autres et puis repartent, parfois reviennent au gré des marées de la mémoire. Oui, c’est écrit sans manière, sans façon, dans le double sens de l’expression, avec simplicité, avec désinvolture, et ça peut légitimement gêner. De là à lui faire le procès de vouloir se faire de l’argent sur le compte de ses fans – ils sont si nombreux dans le monde – il n’y a qu’un pas que l’on pourrait franchir…
Et pourtant, moi qui n’aime pas les collections de trains électriques et qui n’ai que faire des voitures, même américaines, deux de ses passions, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire ce livre. Bien entendu, j’écoute ce rocker depuis que j’ai 16 ans et je suis donc avide d’en savoir plus sur l’histoire qu’il a pu entretenir avec les musiciens qu’il a croisés, qui m’ont ému, notamment les Crosby, Stills and Nash, avec lesquels il joue toujours à l’occasion. J’ai été intéressé par son combat pour un meilleur son et son engagement dans Pur Tone, une initiative qui consiste à mettre au point un lecteur de musique dématérialisée digne de la Musique. J’ai même été parfois touché par des confidences, vraies ou fausses (sait-on jamais ?) sur sa vie intime, son père, ses femmes, ses deux enfants handicapés… Mais ce n’est pas cela qui m’a fait lire ce pavé de plus de 500 pages et m’a donné envie de vous en parler. Non, c’est que je m’intéresse depuis longtemps à ce que pourrait être une « littérature sans littérature », un degré zéro de l’écriture et que j’ai l’impression, mais je peux me tromper, de l’avoir trouvée dans ce récit intime.
Stéphane Dawans
Juin 2013
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