–  Quand l’été sera enfin là, pourquoi ne pas lire un classique ? Et pourquoi pas Les Misérables ?

– Les Misérables ? Mais on connaît tous déjà l’histoire par cœur sans l’avoir lu ! Les films, les feuilletons, les dessins animés et les comédies musicales l’ont lu pour nous !

– Tu cites là Les Misérables sans Hugo. Je te propose de lire Les Misérables de Hugo. L’intrigue de ce roman est très finement menée : ce n’est pas sans raison qu’il a été aussi souvent adapté. Hugo entrecroisait mieux que personne les fils narratifs, de sorte qu’il arrivait à produire des rebondissements à la fois inattendus et prévus – cousus de fil transparent, si l’on veut. Et les différentes adaptations, parce qu’elles devaient répondre à des contraintes de temps très strictes, ont simplifié à l’extrême ce lacis d’intrigues. Elles ont remplacé le fil transparent par du fil blanc.

– Il paraît qu’il y a d’interminables longueurs, qui n’ont rien à voir avec toutes ces intrigues, et qu’ont bien fait de supprimer les scénaristes des adaptations sans Hugo. Des propos sur les couvents, sur des émeutes historiques oubliées, sur le déroulement de la bataille de Waterloo, sur les égouts de Paris…

– S’ils ne sont pas nécessaires au récit, ces passages sont admirablement bien écrits. De la poésie en prose, riche, chatoyante, ornée, magnifique. À lire à voix haute. Un roman qui mêle poésie et efficacité narrative, c’est extrêmement rare.

– D'accord, Hugo est un poète immortel, mais il se prend en outre pour un penseur, un philosophe, un politologue. Et là, il ne cesse de se tromper.

– Si elle manque sans doute de nuance, sa pensée est toujours généreuse. Ils ne sont pas si nombreux non plus, les grands romans qui parlent des « misérables ». Lire celui de Hugo : un luxe d’émotions pures.

Laurent Demoulin
Juin 2013

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