Il y a presque un an, l’auteur hispano-vénézuélien nous livrait son dernier recueil de contes Ideogramas, publié chez la prestigieuse maison d’édition Páginas de Espuma, la référence en matière de contes hispaniques. Ce genre, dans lequel il excelle, permet à l’auteur de revisiter ainsi des motifs qui lui sont chers, comme celui de l’enfant, de la famille, du déracinement ou encore de la tendre rancœur.
À travers ses métaphores imagées et poétiques, Juan Carlos Méndez Guédez réussit donc à nous attirer dans des lieux très différents : une maison à l’odeur asphyxiante de légumes, le bureau d’expulsion de l’aéroport de Madrid Barajas ou bien même le cabinet de consultation d’un médecin. Mais ces lieux ne sont jamais fixes, comme dans plupart de son œuvre, l’auteur nous promène à travers les pages, de villes en villages, de la rue à la plage, de l’avion à la maison. Nous nous promenons aussi, et c’est une nouveauté, d’un corps à l’autre : corps désirable, corps mutilé, corps mourant. La corporalité est revisitée dans ces récits prenants, parfois même viscéraux. De cette manière, bien que les narrateurs soient multiples, réapparaissent, inexorablement, l’odeur, le toucher de la peau, les mains marquées et les pieds, souvent douloureux.
Mais ce qui ravit le lecteur, c’est la dynamique et, surtout, l’intensité des nombreux modes de narrations utilisés par l’auteur. Les 12 récits, nous sont ainsi transmis sous forme de monologues intérieurs, à d’autres moments ce sont des réflexions personnelles, une autre fois encore il s’agit d’une protestation tendre et, paradoxalement, drôle d’une mère qui refuse de voir déporter son fils. Si vous aussi, vous êtes en mal de voyage cet été, alors partez à la découverte de ces pages !
Juan Carlos Méndez Guédez est né à Barquisimeto (Venezuela) en 1967, ville où il a étudié avant de partir pour la capitale, Caracas, au milieu des années 90, pour y développer sa carrière littéraire au sein d’un groupe de jeunes écrivains. En 1996, J.C. Méndez Guédez part pour l’Espagne et commence une thèse en littérature latino-américaine à l’Université de Salamanque, une recherche qu’il termine en 2002. Aujourd’hui, il vit à Madrid où, parallèlement à son pays natal, il a publié son œuvre qui se compose essentiellement d’une dizaine de romans, de six recueils de contes et d’essais.
Muevo un poco los dedos. Siento que responden sin dificultad. Salvo por una molestia en la espalda creo que estoy intacto. Podría hablar, levantarme, dar un alarido inmenso.
Prefiero permanecer inmóvil.
Me detengo mucho rato mirando una mosca aplastada en el techo. Parece el ojo de un pequeño roedor.
Ideogramas, pp. 86
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Je bouge un peu les doigts Je sens qu’ils répondent sans difficulté. Mis à part une gêne dans le dos, je crois que je suis intact. Je pourrais parler, me lever, pousser un grand cri.
Je préfère rester immobile.
J’observe longtemps une mouche écrasée sur le plafond. On dirait l’œil d’un petit rongeur. [ma traduction]
Si vous préférez lire cet auteur en français, A. de Chatellus a traduit le recueil de contes La Ville de sable pour une édition bilingue (Genève, Albatros, 2011). Cette même hispaniste a aussi traduit d’autres nouvelles, il s’agit de « Les pruniers fleurissent en mars» et « Cinquième étage à droite » pour la revue spécialisée Rue Saint Ambroise (numéros 21 et 24). Un autre récit a été traduit par Gersende Camenen pour le recueil Les Bonnes Nouvelles de l'Amérique latine (Gallimard, 2010).
Pauline Berlage
Juin 2013
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