Julie Otsuka - Certaines n’avaient jamais vu la mer
vulamerC’est sur le bateau qui les emmène vers les États-Unis, au cours d’une éprouvante traversée de l’Océan Pacifique, que débute le récit de dizaines de visages, de voix, de cœurs de femmes. Jamais nommées, jamais individualisées, les âmes qui peuplent l’histoire de Julie Otsuka forment un tout, une masse, un chœur. Une voix unique qui s’exprime seulement par le « nous ».

Elles ont quitté leurs rizières natales, au début du 20e siècle, pour rejoindre la terre de toutes les espérances, là où les attendent un mari qu’elles n’ont pas choisi mais longuement rêvé, imaginé, idéalisé. À San Fransisco, c’est pourtant une misérable vie d’exilées qui les attend : nuits brutales, journées de travail interminables, humiliation des Blancs, rejet par leurs propres enfants. Un tunnel rythmé d’une autre langue et d’autres mœurs, qui les mènera jusqu’au grand silence de la guerre, l’auteur relatant un épisode particulier de l’histoire – la détention en camps d’internement des Japonais vivant aux États-Unis, considérés comme traîtres suite à l’attaque de la base américaine de Pearl Harbor par le Japon.

L’écriture de Julie Otsuka, écrivaine américaine d’origine japonaise, est d’une délicatesse et d’une pudeur sublimes. Et ce « nous » qu’elle a choisi d’adopter de bout en bout traduit autant la solidarité que l’oubli collectif le plus profond que vont connaître ces femmes, héroïnes le temps d’un récit.

Prix Femina Étranger 2012

Marie Liégeois
Juin 2013

Certaines n’avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka, Éd. Phébus (trad. de l'américain par Carine Chichereau), 2012

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