
Tous étaient conviés aux festivités. Au programme, vernissage, performance en tout genre, musique et animations partagées autour d’un verre. Le MAMAC, l’ALPAC et D’une certaine gaieté auront animés les lieux une dernière fois. La fonction du musée était double : d’une part, des expositions de peinture et sculpture étaient organisées, de l’autre, il gérait les collections d’art de Liège. Ces dernières ont d’ailleurs été transférées au Musée des Beaux-Arts (BAL) en prévision des agrandissements qui laisseront place au CIAC. De gestion privée, ce Centre International d’Art et de Culture devra respecter trois critères : au minimum une exposition permanente, dont trois à vocation internationale tous les deux ans et deux à trois temporaires par an. L’objectif est de faire du CIAC un lieu culturel et touristique de prestige. Pour ce faire, 23 millions d’euros sont alloués au projet pour les rénovations et agrandissements des bâtiments. Le musée devrait être opérationnel au plus tard en janvier 2016.
La fermeture du MAMAC n’est apparemment pas surprenante. Selon Jacques Dubois, président de l’Association liégeoise pour la promotion de l’art contemporain (ALPAC), l’institution connaissait des problèmes d’organisation et de gestion, les expositions attirant trop peu de monde. Après 20 ans d’existence, le succès se faisait attendre. Malgré ce bilan en demi-teinte, la disparition de l'établissement est une perte culturelle qui en inquiète plus d’un. Pour les artistes liégeois, cela signifie une diminution de leur visibilité et de ce fait, de leur potentielle rétribution. Inquiétude, en outre, par rapport à l’organisme privé qui sera en charge du CIAC et qui pourrait s’intéresser davantage à la rentabilité qu’à l’art. Cette fermeture interfère également avec l’activité de l’ALPAC et D’une certaine gaieté. Ces « amis du MAMAC » créaient de l’activité au musée sous forme de conférences, de concerts, d’événements. Dès lors, que vont devenir ces associations ? « La nouvelle génération doit maintenant décider de son avenir, comme nous l’avons fait à notre époque » répond Michel Antaki, directeur artistique de D’une certaine gaieté.
L’art contemporain n’attire pas les foules, c’est un fait. Comme l’explique Pascal Durand, professeur au département des arts et sciences de la communication de l’Université de Liège, une très grande culture est nécessaire pour aborder un art contemporain paraissant souvent hermétique. « Le public profane ne comprend pas, il ne relie pas ce qu’il observe avec d’autres œuvres. C’est pour cela que cet art doit être exposé ». L’art contemporain se positionne en dehors de toute grammaire, il est surtout compris par les artistes. Jacques Dubois ajoute : « Le milieu artistique fait d’artistes et d’amateurs d’art est une petite communauté fermée sur elle-même qui agit facilement contre son propre intérêt, car elle s’ouvre peu aux autres ». Un monde composé avant tout d’initiés, certes, mais le président de l’ALPAC aussi sur la grande timidité culturelle du public local.
Pourtant, les tentatives de rendre l’art contemporain plus accessible sont nombreuses à Liège. On constate un réel effort des services publics pour donner la parole aux artistes et les rendre présents dans la cité, pour donner une visibilité à leur travail. On peut par exemple citer les poèmes d’Eugène Savitzkaya écrits autour de l’Esplanade Saint-Lénoard en 2011 ou le Musée en plein air du Sart-Tilman. L’exposition « Words Words Words » est en ce moment visible au Centre Hospitalier Universitaire (CHU), organisée par le Musée en Plein air de l’Université de Liège. Plusieurs lieux sont aussi dédiés à l’art contemporain comme les galeries Nadja Vilenne et Espace 251 Nord. À citer aussi, les Brasseurs ou encore le Centre culturel des Chiroux qui propose des visites d’expositions hors région. En somme, des tentatives existent, mais le public ne décolle pas. Pourtant, la Cité ardente ne manque pas de talents : Pol Pierart, Jacques Lizène, Jacques Charlier, Patrick Corillon, etc. Une petite dizaine d’artistes liégeois ont une réputation internationale, mais n’ont pas un succès équivalent dans leur propre ville. D’après Jacques Lizène, cela serait dû à une absence d’intérêt de la part de la Ville ajouté à un manque de moyens financiers.
L’art contemporain est loin d’être populaire, mais la situation s’améliore. La transformation du MAMAC en CIAC pourrait même aller en ce sens. Dans le lieu en transformation, la Ville a tenu à maintenir un espace de 600 mètres carrés qui sera dévolu à l’art contemporain et dont la gestion se fera sous sa direction. Donc l’espoir demeure.
Margaux Leroy
Mai 2013
Margaux Leroy est étudiante en 1er Master en Arts et Science de la Communication