Ce 18 avril dernier, le premier PointCulture de la Fédération Wallonie-Bruxelles a officiellement été inauguré à l’Espace Sain Michel. L’ex-Médiathèque continuera à assurer sa fonction de prêt mais mettra désormais l’accent sur son rôle de relais culturel au sens large. Une nécessaire transformation à l’heure de la numérisation des ressources et d’une vie culturelle toujours plus « événementielle ».
Le projet était en germe depuis cinq ans déjà. Historiquement dédiées au prêt de supports audiovisuels –, et ce depuis 1956, à l’époque où le disque était roi ! –, les Médiathèques sont aujourd’hui appelées à devenir des PointCulture, véritables vitrines de la vie culturelle, dans le cadre d’un contrat-programme qui devrait s’achever en 2017. Liège ouvre la marche : en quittant le sous-sol des galeries Nagelmackers, place Cathédrale, l’ancienne Médiathèque devient le premier PointCulture de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Situé à l’espace Sain Michel (qui cherche toujours son « t »...) et conçu par le cabinet d’architecture bruxellois Lhoas&Lhoas, ce nouveau lieu signe ni plus ni moins qu’un changement de genre pour la vénérable institution.
Du prêt au relais
Car à l’heure du téléchargement, le prêt « physique » ne fait plus florès : rappelons en effet qu’en une dizaine d’années, la Médiathèque a vu ses prêts chuter de moitié. Le PointCulture privilégiera donc désormais la mise à disposition de collections plus « patrimoniales » et une quantité moindre de médias directement disponibles. « Nous avons toujours voulu acheter du mainstream mais aussi des médias spécialisés », explique le nouveau directeur général de PointCulture, Tony de Vuyst, qui a succédé à Claude Janssens. « Cependant, ces médias n’ont pas toujours eu une vie publique très importante car ils n’ont pas pu être promus de la manière souhaitée en raison du caractère très vaste des collections. Nous allons donc vraiment essayer aujourd’hui de constituer des collections de référence. Mais toute la partie cachée de l’iceberg reste disponible sur commande à partir de nos collections centrales de Bruxelles, ainsi que toute la partie numérisée ». Le PointCulture continuera donc de mettre à disposition du public quelque 800 000 titres, mais explorera surtout de nouvelles pistes pour assurer son rôle de service public. En faisant passer le prêt physique au second plan, il entend ainsi se doter d’une nouvelle identité : celle d’une plateforme culturelle, qui excède la musique et le cinéma pour s’ouvrir à d’autres expressions artistiques et à des partenariats renforcés avec les acteurs du milieu culturel. « Notre nouvelle mission est principalement d’être le relais de tout ce qui va se passer dans l’associatif au niveau culturel en Fédération Wallonie-Bruxelles – et bien sûr localement », précise Tony de Vuyst. Un projet « pilote » qui devrait servir de modèle pour l’ensemble des Médiathèques de la Fédération Wallonie-Bruxelles : Bruxelles s’alignera en septembre, suivie par Louvain-la-Neuve.
Une nouvelle identité de lieu
Pour répondre à ses nouvelles missions, le PointCulture s’organise donc désormais en plusieurs espaces distincts qui invitent le visiteur à expérimenter le lieu plutôt qu’à le traverser. Au centre, l’Agora fera la part belle aux débats, ateliers, mini-concerts, conférences, expositions et animations proposées par les différents partenaires culturels. Musique, cinéma, littérature, arts plastiques, danse, théâtre, etc. devraient s’y croiser dans un joyeux melting-pot. Le Plateau-Média, qui sera finalisé en septembre, permettra pour sa part de filmer, enregistrer et partager instantanément les activités qui se dérouleront dans l’Agora. « Cet équipement sophistiqué permettra de streamer et proposer en direct via le Net et/ou des capsules vidéo ou audio les activités en temps réel. L’idée est que les partenaires puissent se servir de ces capsules pour faire leur propre promotion mais aussi de toucher directement un large public. », commente Tony de Vuyst. L’Espace Découverte proposera quant à lui une sélection de magazines, livres, modules intuitifs et bornes interactives autour de thématiques renouvelées chaque saison, afin de multiplier les voies d’accès à la culture. Un espace de travail permettra également aux visiteurs de s’installer avec leur matériel tout en bénéficiant d’un accès WiFi gratuit. « Le leitmotiv de ce nouveau lieu, c’est l’accueil : nous voulons proposer à toutes les personnes qui le fréquentent d’élargir au maximum leur horizon culturel », explique Tony de Vuyst. Un objectif que reflète l’aménagement intérieur. « Nous avons voulu rendre compte en termes architecturaux de la nouvelle identité d’un lieu qui n’est plus seulement un lieu de prêt mais un rendez-vous de la culture », commente l’architecte Pablo Lhoas. « C’est pourquoi nous l’avons conçu non pas comme un espace “commercial” mais comme un lieu le moins intimidant possible et le plus accueillant pour tous les publics. Nous avons donc voulu ce “désordre ordonné” et non pas une unité forte qui pourrait mettre le visiteur à distance. Il fallait avoir presque l’impression d’entrer chez soi. On a donc voulu mettre aussi en scène la nouvelle fonction des agents du PointCulture car ce qui faisait déjà la qualité essentielle de la Médiathèque, c’était moins ses catalogues que l’intelligence de ses agents, les conseils et la passion qu’ils transmettaient. Nous avons donc fait en sorte que les agents soient dans le lieu. Il n’y a plus cette idée de bureau opaque : on voulait au contraire que le personnel soit en permanence avec tout le monde et que la distance disparaisse le plus possible ».
Médiation et événement
Pour définir cette nouvelle identité de lieu, Lhoas&Lhoas a fait le pari original de travailler avec des éléments standardisés : serres en guise d’espaces de travail, bacs horticoles pour ranger les disques. Si, d’après certains agents, la disparition d’espaces « privés » pourrait être source de quelques désagréments, notamment lorsqu’il s’agit de préparer des réunions ou de prendre ses repas, nul doute que le contact s’établira de manière plus spontanée avec les visiteurs, quels qu’ils soient. Car le PointCulture entend bien poursuivre la mission entamée par la Médiathèque d’atteindre tous les publics. « Nous avions déjà travaillé avec l’Article 27 et nous allons continuer de mettre l’accent sur les publics fragilisés mais aussi les plus jeunes. Tout ce qui est éducatif sera mis en avant. Nous déclinerons ainsi les thématiques générales de la saison en les adaptant à différents publics », nous précise Tony de Vuyst. Une médiation culturelle qui fait le pari de la transversalité entre les arts et d’un agenda dynamique, rythmé par les animations, concerts, cycles thématiques... Car des Grignoux aux Chiroux, pour ne parler que de Liège, la culture, on le sait, se conçoit aujourd’hui en lien intime avec l’événementiel. Des ponctuations qui visent à créer une socialité physique et éphémère, à l’heure d’une culture dématérialisée et toujours disponible...
Julie Luong
Mai 2013
Julie Luong est journaliste indépendante.