Entre rêve et poussière, de David Daubresse

Dans la petite salle du Théâtre de la Place, David Daubresse nous accueille timidement mais chaleureusement. Le stress des premières représentations est palpable d’autant plus qu’il nous confie que cette œuvre est inspirée de son enfance…


© David Daubresse

Entre R+¬ve et Poussiere -® David DaubresseÉlise se lève pour aller à l’école. Elle s’habille, pendant qu’en voix off, nous entendons ses pensées.  Perchée à sa fenêtre, elle rêve… Comme tous les enfants de son âge, sa chambre est devenue un univers imaginaire de création sans limite. Elle s’imagine exploratrice, elle danse ou fait du playback sur Lady Gaga. Les murs physiques ne sont pas des barrières suffisantes. Ils se brisent confrontés aux fantaisies infinies d’un enfant. La musique et la lumière sont exploitées de manière à rendre compte de cette atmosphère où règne l’inventivité absolue. Sur les murs, une rivière coule à flot et dans son lit poussent des fleurs. Lorsqu’elle fait un cauchemar, une pluie torrentielle s’abat dans sa chambre et des projections de son instituteur colérique surgissent de son subconscient. Tel est l’univers auquel tout le monde souhaite arracher Élise.

« Réussir sa vie », « gagner de l’argent » pour avoir « un beau métier », tels sont les maîtres mots de son entourage. Si lumineuse à l’intérieur, Élise se renferme, elle s’éteint peu à peu au contact de la pression institutionnelle et familiale. L’école y est perçue comme un conditionnement où seuls les « bonnes notes » comptent. Dans ces Temps modernes de l’enfance, l’épanouissement fait place au rendement. « Elle n’est pas une enfant comme les autres », une phrase qu’Élise entend chaque jour et qui la pousse d’autant plus dans les confinements de sa bulle. Son père rentre également dans le moule de la réussite qu’il ne voit qu’à travers les résultats scolaires. Si Élise a des mauvais résultats, elle est forcément malheureuse… Entre séance chez le psy, en classe ou en réunion des parents d’élèves, la petite fille est apeurée et subit une pression très lourde à porter lorsqu’on a moins de dix ans.

Après une demi-heure de spectacle, nous sommes plongés dans le noir face aux témoignages sonores d’enfants. « Il faut faire ci, il faut faire ça », telles sont les paroles des gamins plongés trop tôt dans le monde des contraintes et des obligations d’avenir. Tout d’un coup, l’adulte en nous est projeté en arrière face à son propre passé d’enfant. En trente minutes et avec de petites choses issues du quotidien, David Daubresse réussit à nous rappeler une réalité, dans le fond cruelle, dont nous subissons encore tous l’influence aujourd’hui. Effectivement, nous vivons avec la peur de l’échec économique et professionnel, valeurs qui nous sont inculquées dès le plus jeune âge. « Il faut avoir un beau métier » est le seul critère de réussite et d’épanouissement.

Pour certains, cette pression sera passée comme une lettre à la poste car ils auront rempli leur contrat de « bon élève » en collectant les « TB » comme un bonhomme fictif gravit les stages de son jeu vidéo. Pas de « game over » pour les personnes dociles qui ne dévient jamais du sentier tracés pour eux si ce n’est lorsqu’il finissent par atteindre ce pour quoi on les a si fortement conditionnés : « un beau métier ». Finalement, nous prenons conscience que nous faisons les choses sous la pression du monde extérieur sans jamais prendre le temps d’écouter notre « moi » intérieur. Et là, c’est le drame… l’entrée dans le monde des adultes et de l’éternelle insatisfaction.

Qu’en est-il des moutons noirs déviant du chemin ? De ces personnes pour qui le « game over » sonne au quotidien ? Ceux, à qui on dit « tu vas finir dans une école de racaille en professionnel ! ». Peut-être seront-ils frustrés toute leur vie de ne pas avoir réussi à combler leur entourage ou alors assumeront-ils leur parcours « différent ».

Tel semble avoir été le choix de David Daubresse qui nous livre ce petit bout de vie onirique qui a fait de lui l’homme qu’il est aujourd’hui : assumé, « différent » et très talentueux.

Marie-Helena Sanchez Fernandez
Avril 2013

crayongris2Marie-Helena Sanchez Fernandez est étudiante en 2e année de master en Information et communication, finalité Médiation culturelle

 


 

Entre rêve et poussière, de David D'Aubresse, Cie Art & tça
Dans le cadre des cartes blanches à l'Ecole Supérieure d'Acteurs du Conservatoire de Liège

Texte et mise en scène : David Daubresse
Avec David Daubresse, Shirley Daubresse, Juliette Minon et Raphaël Van Keulen.