
Nichée au cœur des Ardennes, sur les rives de l’Amblève, la ville de Stavelot peut se targuer d’avoir connu une histoire agitée. Dans la cour qui entoure les bâtiments actuels, des vestiges suggèrent l’imposante église qui trônait au 11e siècle. Depuis la création de l’abbaye au milieu du 7e siècle jusqu’à son abandon à la fin du 18e siècle, quatre églises sont érigées successivement sur le même site, accompagnées chacune d’un ensemble de bâtiments conventuels annexes.
L’ouvrage de Christophe Masson retrace les grandes étapes qui ont rythmé l’histoire de l’abbaye, ses (re)constructions et démolitions successives, son abondante production artistique, mais aussi la transformation de l’ensemble architectural en un pôle culturel et muséal majeur de la Région wallonne.
Résultant d’une commande de l’Institut du Patrimoine wallon et de l’asbl Espace Tourisme et Culture, responsable de la gestion de l’abbaye, l’ouvrage se veut une synthèse des connaissances relatives aux différentes églises abbatiales et conventuelles de Stavelot. « L’ouvrage fait la somme des connaissances actuelles, qui étaient dispersées en dizaines de petits articles publiés à gauche et à droite, parfois de façon assez anarchique. Il a fallu localiser, retrouver et synthétiser tous ces documents. Une mise au point claire des multiples phases de construction faisait défaut et a été possible grâce aux rapports de fouilles. J’ai mêlé, d’une part, la question de l’architecture et des différentes étapes de construction, et d’autre part, l’histoire politique, au sens large du terme, de la principauté abbatiale de Stavelot » explique l’auteur. Richement illustré, l’ouvrage s’adresse à la fois au grand public et aux scientifiques à la recherche d’une base de travail. Christophe Masson y établit également une liste des abbés qui se sont succédé à la tête de l’abbatiat durant près d’un millénaire.
Le culte de Saint-Remacle
Haut lieu de spiritualité médiévale, Stavelot doit en grande partie ce statut à Saint-Remacle. L’abbaye de Stavelot prend son essor en 647 lorsque Remacle, encouragé par des facteurs politiques, religieux et géographiques, fonde deux monastères, soumis au même père-abbé : l’un à Stavelot, l’autre à Malmedy. Très vite, les abbés marquent leur préférence pour Stavelot comme lieu de résidence et l’abbaye stavelotaine, mieux protégée des crues de l’Amblève, devient prépondérante par rapport à son homologue malmédienne, qui n’aura de cesse, au fil des siècles, de réclamer son indépendance.
En 685, s’achève la construction de l’église abbatiale en pierre, dédiée aux Saints Pierre et Paul. Les reliques de Remacle, mort quelques années plus tôt, y sont transférées derrière l’autel des Saints, ce qui revient à lui conférer une aura de sainteté. L’abbaye connaît alors deux siècles de prospérité, grâce aux nombreuses donations qui permettent aux moines d’accroître leur confort. Au milieu du 8e siècle, un culte se développe autour de la personnalité de Saint-Remacle. Celui-ci continuera de gagner en importance, en dépit des catastrophes qui secoueront l’abbaye.

Vue aérienne de l’ancienne abbaye de Stavelot @ETC Stavelot
De destructions en reconstructions
Cette période de croissance est interrompue par deux événements. Fin du IXe siècle, Stavelot perd son statut de relais du pouvoir au profit des évêchés et l’abbaye subit les invasions normandes, qui poussent les moines à fuir Stavelot, emportant trésors et reliques. Mise à sac et incendiée, l’abbaye garde de sérieuses séquelles de ces invasions, ce qui pousse l’abbé Odilon à démolir l’ancienne église, après avoir reconstruit une neuve, plus grande. Malgré sa taille importante, cette seconde abbatiale ne suffit bientôt plus à accueillir les pèlerins, de plus en plus nombreux à se presser autour des reliques de Saint-Remacle. En 1033, l’abbé Poppon initie un chantier d’envergure : la destruction de l’ancienne église et la construction d’une abbatiale de nouvelle ampleur et de grand prestige. Une fois les travaux achevés, la politique artistique en vigueur visera à rehausser l’éclat de l’abbaye. Subissant des dégâts divers, l’église ne cessera d’être reconstruite durant les siècles suivants. Au 16e siècle, le prince-abbé Guillaume de Manderscheidt entreprend l’érection d’une nouvelle tour ainsi que d’un château. Ses successeurs étendront les travaux à tout l’édifice, donnant naissance à la quatrième abbatiale.
De l’abandon à la reconversion en pôle muséal et culturel
La Révolution française met un terme aux pouvoirs de l’abbaye. Abandonnés par les religieux, les bâtiments sont pillés et détériorés. Ils connaîtront plusieurs propriétaires avant d’être rachetés en 1995 par la Région wallonne, qui y investit 12 millions d’euros et en entreprend la restauration et la reconversion en lieu culturel. Entre 1999 et 2002, l’ensemble des bâtiments sont classés et entièrement rénovés. Y sont désormais accueillis un musée sur l’Histoire de la Principauté de Stavelot, un musée du Circuit de Francorchamps et un musée consacré à Guillaume Apollinaire. Depuis peu labellisée 5 étoiles, soit une des meilleures attractions en Wallonie, la cité des Blancs Moussis organise régulièrement de multiples manifestations et festivals, occupant ainsi une place d’exception dans la vie culturelle de la région.
Nodus de la crosse de l’abbé Wibald (+1158),
Stavelot, Musée de la principauté. G. Focant@SPW/DPat
Anne-Laure Mignot
mars 2013
Nodus de la crosse de l’abbé Wibald (+1158), Stavelot, Musée de la principauté. G. Focant@SPW/DPat
Nodus de la crosse de l’abbé Wibald (+1158), Stavelot, Musée de la principauté. G. Focant@SPW/DPat