Si, comme chaque année, la bande dessinée est mise en avant à la Foire du Livre de Bruxelles, elle l’est d’autant plus cette année grâce à son Imaginarium BD et à une nocturne consacrée au roman graphique. Un genre dont Björn-Olav Dozo, membre du groupe ACME (acronyme de la célèbre devise de l’usine des cartoons de la Warner A company that makes everything ) créé en 2008 au sein de l’ULg par des professeurs appartenant à différentes disciplines (Erwin Dejasse, Dick Tomasovic, Frédéric Paques, Tanguy Habrand, Antoine Janvier, Maud Hagelstein, Gert Meesters), précise les spécificités.

Comment est né ACME ?

Ce groupe de recherche a été créé par des chercheurs intéressés par la bande dessinée. Nous avons travaillé sur un objet commun, la maison d’édition L’Association, qui cadrait bien avec une approche monographique enrichie par les différents axes de spécialisation de chaque membre du groupe. Le livre, L’Association. Une utopie éditoriale et esthétique, est paru en 2011 aux Impressions Nouvelles. Notre deuxième gros projet éditorial porte sur les 75 ans de Spirou, non pas le magazine mais la série. Nous analysons les traces laissées par chaque auteur ou groupe d’auteurs ayant pris en charge le personnage, soit dans la série-même, soit dans d’autres albums. Cet ouvrage sera également proposé aux Impressions Nouvelles. En novembre 2011, nous avons aussi organisé un colloque international sur les figures indépendantes de la bande dessinée mondiale. Ce colloque a donné lieu à un projet de collection aux Presses universitaires de Liège ouvert à des volumes sur la bande dessinée étudiée d’un point de vue universitaire. Deux sont en préparation, l’un réalisé à partir de ce colloque, sans en être à proprement parler les Actes puisque y figurent de nouvelles contributions, l’autre portant sur l’imaginaire des super-héros écrit par des universitaires québécois.

Quelles sont les caractéristiques du roman graphique ?

C’est une bande dessinée généralement en noir et blanc dont le format est plus petit qu’un album classique et qui excède en nombre de pages le 48 couleur cartonné habituel. Ce n’est pas une série mais un one shot. Sa narration est plus mature, son contenu s’adresse plutôt à des adultes. Il vise un lectorat différent de celui formé par les amateurs de BD traditionnels. Il possède ainsi une autre légitimité et on le trouve d’ailleurs dans des circuits de réception différents, des librairies ou des écoles secondaires.

Quelle est son histoire ?

Il serait né dans les années 1920 en Flandre avec les premiers romans en gravures sur bois puis a été reconnu aux États-Unis d’où il est revenu dans les années 1980 avec Maus d’Art Spiegelman, refusé en France par les éditeurs BD et publié chez Flammarion, un éditeur littéraire. Sa consécration est donc venue de l’extérieur du champ de la BD traditionnelle. Dans les années 1990, des maisons d’édition indépendantes des grosses structures se sont créées avec comme objectif de publier un autre type de bandes dessinées. L’Association, qui en est l’un des fers de lance, s’est spécialisée dans les autobiographies plus ou moins fictives sous la forme de romans graphiques : carnets de voyages, journaux intimes, etc.

Et comment le roman graphique s’est-il développé ?

En France, s’il était très marginal au début des années 1990, il s’est progressivement développé et la parution de Persepolis de Marjane Satrapi [entre 2000 et 2004] à L’Association a été l’un des éléments déclencheurs de l’intérêt porté par le grand public pour ce type de récit. C’est à partir de ce moment-là que les gros éditeurs s’y sont intéressés, notamment Casterman avec sa collection Écritures.

Michel Paquot
Février 2013

Michel Paquot est journaliste indépendant. 

Björn-Olav Dozo est chargé de recherches du F.R.S.-FNRS et rattaché au Centre d'étude de la littérature francophone de Belgique, à l'ULg. Ses recherches s'inscrivent dans le domaine des humanités numériques. Il enseigne notamment les genres paralittéraires.

Voir aussi son Parcours chercheur sur Reflexions

Voir l'article : Quand les auteurs de bande dessinée s'interrogent sur leur art