Théâtre-témoignage sur la guerre d’Algérie au Festival de Liège
Difficile d’enchaîner les spectacles au Festival de Liège lorsqu’ils sont si riches en contenu et si différents. Nous assistons dimanche soir à Je vous ai compris. À peine remis de l’hystérie chilienne de la veille, nous plongeons dans un théâtre intimiste de la mémoire, avec Valérie Gimenez et Sinda Guessab et illustrations live de Samir Guessab.
Deux personnages nous tournent le dos dans un décor blanc épuré où sont déposées quelques valises sur le sol. Le contrat est signé avec le spectateur et la scénographie simple et pure promet un réel moment d’émotion. Un dessin débute sur la toile de fond pendant que résonnent des témoignages sonores. Nous assistons ensuite aux déclarations des deux personnages : l’un est pied-noir, fils de gendarme français, et l’autre est algérienne, fille de révolutionnaire. Chacun à leur tour, ils nous livrent leur vécu de la guerre et de l’immigration en France.
Le témoignage hésitant et spontané est très bien rendu par les deux actrices mais nous restons malgré tout sur notre faim. On se demande même d’où vient le problème puisque les actrices remplissent très bien leur contrat. La mise en scène est excellente et originale. Les dessins sont magnifiques, peut-être un peu trop ! Le texte ne percute pas. Finalement, nous admirons un motif qui se construit peu à peu et nous sommes surpris de nous voir déconcentré par celui-ci. Nous écoutons le dessin nous raconter une histoire que les mots ont bien du mal à rendre. C’est pourtant un thème porteur d’émotion qui touche généralement un grand public. Celui-ci peut s’identifier que ce soit dans l’histoire du colonialisme (au regard de notre histoire belge) ou encore de l’immigration qu'elle soit italienne, espagnole ou encore marocaine. Le sujet est fédérateur et chacun peut voir son histoire personnelle transposée aux anecdotes parfois quelconques mais si significatives de l’immigration. Ce genre ce spectacle doit nous faire pleurer et rire à la fois. Ce qui ne se produira à aucun moment.
La déception est à la hauteur des attentes. Là où les Olives noires nous avaient retourné le cerveau il y a des années avec Montenero 53, Je vous ai compris échoue à transmettre l’émotion. Les témoignages sonores sont trop longs et ne contextualisent pas très bien une histoire peu connue du grand public. Le texte, pourtant porté par de bonnes actrices, ne foudroie pas. Le seul point positif réside dans la simultanéité de la construction du texte et du dessin. Celui-ci est superbement bien exécuté, à tel point qu’il en devient un handicap pour la pièce. Tellement absorbés par l’image, nous en oublions le principal : les actrices.
Des discussions sont entamées après le spectacle et les sentiments de chacun viennent réaffirmer la distraction générale du public causée par le dessin que chacun a, cela dit, beaucoup aimé. La déception se confirme et elle réside avant tout dans la promesse d’un spectacle fort ! Le sujet qui pourrait être percutant n’atteint pourtant jamais sa cible.
Marie-Helena Sanchez Fernandez
Mars 2013
Marie-Helena Sanchez Fernandez est étudiante en 2e année de master en Information et communication, finalité Médiation culturelle