Villa+discurso de Guillermo Calderón

chiliVilla+discurso est le nouveau spectacle de l'auteur et metteur en scène chilien Guillermo Calderón. Construite sous la forme d’un diptyque, cette pièce profondément politique revient sur l’après Pinochet, au Chili. 

La première partie se penche sur la question de la destination à donner aux ruines de la Villa Grimaldi.  Ce lieu était l’un des plus importants centres de torture sous le régime dictatorial.  Il a vu passer entre ses murs plus de 4000 victimes.  Trois jeunes inconnues, liées malgré elles à la villa, ont la responsabilité d’établir ce qu’il en adviendra. 

Dans la seconde partie de la pièce, Guillermo Calderón a imaginé le discours d’adieu fictif et non protocolaire que Michelle Bachelet, présidente du Chili de 2006 à 2010 aurait pu prononcer.  Ce discours est porté par les trois même actrices que dans la première partie,  Francisca Lewin, Macarena Zamudio et Carla Romero.  Dans la première comme dans la seconde partie, le metteur en scène s’appuie principalement sur le texte et travaille avec une mise en scène très simple.

La Villa Grimaldi est aujourd’hui devenue un parc appelé Parc pour la Paix – Villa Grimaldi.  Le choix auquel les trois jeunes femmes doivent faire face dans la pièce est donc une décision bien réelle à laquelle le metteur en scène rend hommage en montrant toute la complexité de la situation et toutes les difficultés d’affronter un passé aussi pénible. 

La première partie de ce spectacle met à l’honneur le débat démocratique.  C’est en prenant le temps d’écouter et de connaître chacune d’entre elles que les trois jeunes femmes vont finalement réussir à tomber d’accord.  Cependant, ce n’est pas sans difficultés.  Dans un premier temps, les jeunes femmes votent anonymement.  Mais l’une d’entre elles sabote le vote.  Les trois jeunes femmes se rejettent la faute sans cesse. Elles ne se connaissent pas et ne se font pas confiance.  C’est en se livrant finalement dans une discussion à cœur ouvert qu’elles comprennent que, même si elles l’ont incorporée différemment, elles ont vécu la même expérience douloureuse. 

Cette première partie, même si elle concerne un lieu symbolique de l’histoire du Chili, parle de façon universelle.  Ce genre de lieu, il s’en trouve partout dans le monde.  En Europe, il s’agit principalement des camps de concentration.  Il a aussi fallu décider de ce qu’il allait en advenir.  Il est impossible de simplement laisser de tels endroits dans l’oubli.

C’est pour participer à ce travail de lutte contre l’oubli que Guillermo Calderón a initialement joué son spectacle dans les anciens centres de torture chiliens.  Un entracte était alors prévu entre la première et la seconde partie de la pièce et invitait le spectateur conscientisé à visiter le lieu.  Dans les représentations à l’étranger, les trois jeunes femmes s’appuient principalement sur une maquette de la villa pour évoquer visuellement l’endroit.

Dans la seconde partie du spectacle, les trois jeunes femmes représentent visuellement le drapeau chilien et incarnent l’ancienne présidente du pays, Michelle Bachelet.  Les actrices, comme trois voix d’une même conscience, prononcent un discours d’adieu fictif revenant sur la vie de la politicienne.  Parlant de son père militaire, du soutien de celui-ci à l’ancien président socialiste Allende, du passage de la famille à la Villa Grimaldi, de son amour de la pédiatrie, de son travail de politicienne et des murs auxquels elle a dû faire face ainsi que de l’état dans lequel Pinochet avait laissé le pays ; ce discours ni ne triomphe, ni ne crie à la défaite, mais établit le constat de la situation. 

La multiplicité des voix interprétant ce texte exprime la multiplicité des voix qui sont passées au travers de Bachelet, présidente élue démocratiquement.  Ce discours n’est pas uniquement celui de Bachelet mais celui de toute une génération, celle de l’après Pinochet.  Malheureusement, à cause de l’écart géographique et culturel, toutes les imbrications du texte ne sont pas accessibles au public européen.  La poésie et l’ironie se font sentir mais leurs subtilités se perdent pour la plupart des spectateurs.  Cette seconde partie est plus difficile d’accès car plus intimement liée au peuple chilien, même si elle se base sur une figure politique forte.

 

Maureen Dervaux
Mars 2013

 

crayongris2Maureen Dervaux est étudiante en 2e année de master en Arts du spectacle, finalité Spectacles et images numériques.