Le théâtre de Liège

Du théâtre royal à l’Opéra Royal de Wallonie

L’I.P.W. (Institut du Patrimoine Wallon), fréquent collaborateur de l’Université de Liège, a publié, en octobre 2012, un livre intitulé Le Théâtre de Liège. Du Théâtre Royal à l’Opéra Royal de Wallonie. Alors que les récents travaux qui résonnaient depuis deux ans au cœur de l’opéra sont désormais achevés, c’est un autre chantier de taille que le public peut aujourd’hui découvrir : celui érigé et dirigé en 300 pages par Frédéric Marchesani, qui offre une synthèse unique de l’histoire architecturale et institutionnelle du théâtre principautaire.

theatreLe premier objectif de cet ouvrage  de mettre en avant le patrimoine architectural wallon, en retraçant, dans la première partie, l’histoire de l’édifice qui abrite l’opéra, de 1816, date de sa construction, jusqu’aux derniers travaux de 1970. Dans la seconde partie, il s’agira de rendre compte des travaux de rénovation, restauration, modernisation et agrandissement  qui ont débuté en 2010 et se sont achevés pour la rentrée scolaire 2012 ; travaux qui ont permis à l’institution de réinvestir un lieu de prestige, désormais à la pointe de la technologie. La troisième partie quant à elle, sera dédiée à l’histoire institutionnelle du Théâtre Royal, de l’inauguration de l’édifice en 1820 jusqu’à aujourd’hui, tout en considérant la genèse de la tradition lyrique liégeoise, vers 1735.  Cette année, un second ouvrage verra le jour, dans la collection « Études et documents » de l’Institut du patrimoine wallon. Il sera entièrement consacré à la partie technique et scientifique des travaux.

Espérons que l’I.P.W. s’attèlera également prochainement à la publication d’un Carnet du patrimoine, tant le sujet est vaste et digne d’intérêt.

Un livre d’art

Cet ouvrage sur le Théâtre Royal foisonne de superbes illustrations qui en font, ipso facto, un livre d’art. L’on y trouve tantôt des photos récentes, témoignant de l’avancement des travaux, tantôt des images anciennes, montrant le bâtiment et ses alentours il y a environ 150 ans. Les nombreuses images d’archives découvertes, notamment, dans les fonds patrimoniaux de la Ville de Liège, dans les trésors Musée de la vie wallonne ou de la bibliothèque du Conservatoire royal de Liège, représentent à elles seules une documentation du plus haut intérêt.

L’illustration est abondante, dans tout l’ouvrage : l’extérieur du bâtiment, l’intérieur, des dorures aux endroits les plus inaccessibles. L’on y voit également reproduits des règlements vieux de 200 ans destinés à l’orchestre, ou des affiches annonçant événements et spectacles, comme cette représentation de Carmen en 1893 en présence du Prince Albert, mais également des portraits des personnalités marquantes de l’O.R.W., comme Raymond Rossius, directeur de 1965 à 1992.  Plusieurs productions très remarquées sont également représentées dont Tre intermezzi fin 2007, où la prestation en particulier d’Alberto Rinaldi avait été saluée, et bien sûr, l’incontournable tétralogie de Wagner Der Ring des Nibelungen en 2005 mis en scène par Jean-Louis Grinda.

Cocasse et instructif…

La construction de l’opéra fut décidée en 1816, une dizaine d’années après l’incendie du 1er janvier 1805 qui ravagea la salle de spectacle de la ville.  On confia alors à Auguste Dukers la construction d’un théâtre pouvant accueillir un millier de spectateurs.  L’architecte s’est inspiré pour son projet du théâtre parisien de l’Odéon, mais notre théâtre est un théâtre classique « à l’italienne » doté d’une salle en fer à cheval, d’une scène rectangulaire, et de loges fermées comme dans les édifices italiens, avec cependant aussi des loges ouvertes, qui répondent davantage à la tradition française.

Afin de limiter les coûts, ce sont des pierres traditionnelles des bords de Meuse qui ont été utilisées. Et pour la sécurité des spectateurs, l’incendie de 1805 étant encore très présent dans les mémoires, l’architecte a prévu pas moins de dix portes d’entrées. Le spectateur d’aujourd’hui peut désormais porter un nouveau regard sur l’architecture du théâtre, classé en 1999 par la commission royale des Monuments, sites et fouilles (CRMSF). Le terme « monument » retrouve ainsi tout son sens étymologique, car le Royal est bel et bien un témoin du passé.

Tout à côté du bâtiment, la place  connue aujourd’hui sous le nom de « place de la République française », s’appelait auparavant « place du Théâtre », avant la fin de la première guerre mondiale. Plus tôt encore, la place accueillait un bras de Meuse, qui occupait également tout le boulevard de la Sauvenière. La construction de l’édifice a donc nécessité la couverture et la canalisation de ce bras. L’Université de Liège possède d’ailleurs  une maquette de la ville en 1730, réalisée par  Gustave Ruhl,  qui permet de bien se rendre compte de l’ampleur des travaux qui ont été nécessaires.

Maquette Ruhl
La maquette « La cité de Liège vers 1730 » : Détail

La guerre de 14-18 est responsable d’une forte dégradation du bâtiment, mais ce ne sont pas les bombardements qui en sont la cause : le théâtre avait été réquisitionné pour servir d’écurie et de cuisine à l’armée allemande. Il sera retrouvé à la libération dans un état lamentable et devra être restauré dans l’entre-deux-guerres, et notamment en 1930, alors que Liège accueille l’Exposition Internationale à l’occasion du centenaire de l’indépendance belge. Une restauration maladroite de la façade lui fera d’ailleurs perdre sa couleur blanche, rendue aujourd’hui grâce aux récents travaux.


 

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