Un théâtre wallon
À la fin du 19e siècle, Liège tente de contrecarrer l’émergence du flamingantisme par la propagande. Le Théâtre Royal y est associé. Aussi, un récital a-t-il lieu le lundi 26 décembre 1887 en l’honneur du Mouvement Wallon, où seront notamment représentées des stances du Liégeois L. Hardy Li mouvement wallon, le célèbre duo patriotique de La muette de Portici et la première du drame d’Alexandre Dumas La jeunesse des Mousquetaires.
Les années de guerre
Pendant la première guerre mondiale, quand le théâtre ne sert pas de dortoir ou d’écurie, des spectacles y sont organisés ponctuellement, réservés à l’armée allemande. Le Royal finit même par devenir la salle attitrée pour les divertissements des soldats teutons.
L’après-guerre est difficile car il s’agit de tout remettre à neuf, mais l’activité lyrique de l’entre deux-guerres est foisonnante. Lors de la nuit du 31 décembre 1925, la Meuse sort de son lit et le centre ville de Liège est inondé. Le théâtre est envahi par 2500m³ d’eau, mais la salle de spectacle est épargnée et onze jours suffisent à remettre le bâtiment en état. Entre temps, la troupe du Royal organise une soirée de gala au théâtre de Fontainebleau pour venir en aide aux sinistrés.
Lors de la seconde guerre mondiale par contre ni fermeture, ni occupation pour le Royal. Lié à la ville, il est néanmoins contraint à l’austérité financière. Tout est mis en place pour que les Liégeois puissent assister aux spectacles, dont par exemple les horaires des transports en commun (les tramways à l’époque). En 1941, lorsqu’un couvre-feu est imposé dès 21 heures, les représentations en soirée sont remplacées par des spectacles en matinée. L’occupation est une période particulièrement propice pour les théâtres. D’une part parce que la production cinématographique était insuffisante, mais également, plus prosaïquement, parce que le chauffage venait souvent à manquer dans les habitations. Tous se précipitaient donc vers les théâtres, tantôt pour le divertissement, tantôt pour le confort qu’ils procuraient.
Un autre événement a lieu le 5 avril 1942 : Django Reinhardt, l’inégalable jazzman, se produit avec son quintette sur la scène du Royal.
À la libération, le 20 septembre 1944, c’est cette fois une formation de jazz militaire américain qui se produit au Royal dans l’enthousiasme général. Néanmoins, l’organisation de la nouvelle saison connaît quelques difficultés, financières surtout. Ces difficultés se poursuivront une douzaine d’années.
L’Opéra royal de Wallonie
Au début des années soixante, la situation est devenue catastrophique. Raymond Rossius prend la tête du théâtre, secondé par le chef d’orchestre Marcel Désiron. Les comptes sont équilibrés, et le 16 mai 1967 voit la création de l’asbl « Opéra de Wallonie ». L’Opéra devient le principal théâtre wallon. Des productions y sont montées et sont décentralisées dans les villes voisines.
Un répertoire riche et varié
Si la saison de l’ORW est aujourd’hui essentiellement constituée d’opéras, ce n’était pas le cas à sa création. Il faisait, entre autres, la part belle aux œuvres en wallon. En 1930, la Reine Élisabeth était présente pour la création mondiale de l’opéra en wallon Pier li houyeû du compositeur liégeois Eugène Ysaye. Des comédies musicales sont également jouées à partir des années septante. La première, Hello Dolly de Jerry Hermann est jouée le 26 mars 1971 et remporte un franc succès. Cette tradition ne s’est pas tout à fait perdue puisque West Side story est brillamment repris en 2009.
Mais c’est surtout l’opérette qui tend à disparaître de la scène du Royal. En effet, auparavant, le théâtre royal accueillait indifféremment de l’opérette et de l’opéra. Ainsi, vingt des cinquante-six œuvres représentées d’octobre 1927 à mars 1928 étaient des opérettes. La situation est bien différente aujourd’hui, bien qu’une opérette soit encore quelquefois présentée au mois de décembre et que l’Opéra ait programmé l’an passé L’Auberge du cheval blanc, jouée pour la première fois à Liège en 1935…
Le ballet a eu ses heures de gloire à Liège. L’Opéra comptait d’ailleurs un ballet permanent jusqu’en 1997. Il sera supprimé par Jean-Louis Grinda, arrivé à la tête de l’opéra en 1996 et qui devait assainir des comptes en déficit de cent quinze millions de francs. Grâce à lui, l’opéra de Liège est alors relancé et accumule les succès, comme L’Homme de la Mancha avec José Van Dam en 1998, Chantons sous la pluie qui obtient le Molière du meilleur spectacle musical en 2001 ou encore la tétralogie de Wagner en 2005.
Stefano Mazzonis di Pralafera prend les rênes en 2007, après le départ de Jean-Louis Grinda, qui prend la direction de l’opéra d’une autre principauté, Monaco. L’ORW connaît alors de nombreuses évolutions. En ce qui concerne le répertoire, les dernières saisons sont résolument italiennes avec par exemple la récente création mondiale de L’inimico delle donne, la reprise de Nabucco ou encore de Tosca, Traviata ou Rigoletto. Mais la principale victoire du nouveau décideur, outre l’arrivée du Maestro Paolo Arrivabeni comme directeur musical, est la fréquentation en hausse du jeune public, passée de 3 à 30% grâce à l’application de tarifs tout à fait préférentiels. En outre, malgré la fermeture durant deux années du théâtre royal et des productions délocalisées dans un chapiteau pouvant accueillir 1100 spectateurs, la fréquentation ne diminue pas !
L’ouvrage de Marchesani se termine par une série d’annexes très informatives comme la liste des œuvres représentées au Royal, ou encore l’évolution du prix des places, dont la moins onéreuse coûtait, en 1820, quarante centimes de franc belge !
Samuel Namotte
Février 2013
Samuel Namotte est étudiant en 2e master en Langues et littératures romanes.