Mario Ramos

Après avoir voyagé de part et d’autre de la planète, les œuvres de Mario Ramos entament leur long périple à travers le temps.

Mario Ramos, auteur-illustrateur bruxellois, auteur du célèbre C’est moi le plus fort ou encore C’est moi le plus malin nous a quittés ce dimanche 16 décembre à l’âge de 54 ans. Parmi ses albums, tous publiés chez Pastel (la branche belge de l’École des Loisirs), on trouve les classiques  Le roi est occupé (1998) , Un monde de cochons (2005) ou encore Le monde à l’envers (1995).

roioccupéLes œuvres de Mario Ramos, ce sont avant tout des histoires d’apparence très simple au cœur desquelles on trouve cependant toujours une critique de la société et du pouvoir.  Le Roi est occupé semble être l’exemple le plus criant de son obsession de taquiner le pouvoir, comme il le dit lui-même, puisque l’ « histoire dont vous êtes le héros » débute par ces quelques phrases :

« Dix fois, cent fois, mille fois, tu es venu au château pour dire au roi tout ce qui ne va pas. Dix fois, cent fois, mille fois, les gardes t’ont renvoyé : Le roi est occupé, revenez un autre jour. Maintenant ça suffit, tu veux voir le roi et personne ne t’en empêchera. »

À ce moment, le jeune lecteur est invité à soulever des petites encoches pour dénicher l’entrée du passage secret qui le mènera aux appartements du roi. Il parcourt ainsi tout le château, de la salle des armes à la chambre de la princesse en passant par les cuisines ; tous les recoins du château médiéval sont explorés et le jeune lecteur vivement invité à ne pas se faire repérer. Finalement, le lecteur débouche dans la salle du trône mais elle est vide… le roi est dans la petite pièce d’à côté, occupé à siéger sur l’autre trône. 

Le Roi est occupé est donc un album à double lecture, la première permet à l’enfant de jouer au jeu du coucou puisque sous chaque petite porte à soulever se cache un monstre, mais la seconde lecture le transforme presque en super héros à mi-chemin entre l’espion et le porte-parole d’une société qui va mal. Le lecteur se voit investi d’une mission, celle de chercher le roi pour lui dire tout ce qui ne va pas, avec l’espoir que cet homme si important, cet homme auquel on a refusé 1000 fois de le conduire, pourra y faire quelque chose. Et qu’arrive-t-il quand, enfin, il le rencontre ? Il s’aperçoit que cet homme si occupé est en fait sur le pot. 

hautLa critique de l’excellence était aussi une des obsessions de Mario Ramos. Björn-Olav Dozo est chargé de recherches du F.R.S.-FNRS et rattaché au Centre d'étude de la littérature francophone de Belgique, à l'ULg, il enseigne les genres paralittéraires en faculté de Philosophie et Lettres. Il nous livre son analyse de l’album Tout en haut  : « Dans cet album, une série d’animaux (un crocodile, un éléphant, une girafe …) veulent atteindre le sommet d’une montagne. Ils s’élancent de toutes leurs forces mais ne font que s’encastrer dans la pierre, le suivant prenant toujours appui sur le précédent. C’est finalement le singe qui atteindra le sommet en escaladant tous ses compagnons.  Il semble satisfait de son sort mais en levant la tête, il aperçoit les oiseaux qui volent dans le ciel.

On peut lire cette histoire comme une métaphore de la course à la performance. Les plus forts, les plus lourds s’élancent de toutes leurs forces mais n’arrivent à rien, ils ne servent que de tremplin aux plus malins. Et même ceux-là trouvent leur maître. C’est, je pense, une belle façon d’expliquer aux enfants qu’on ne peut pas être le meilleur partout et que l’important, c’est de trouver quelque chose qui nous permette de nous épanouir. Et même dans ces cas-là, il y aura peut-être des gens qui seront meilleurs mais tant que nous trouverons du plaisir dans ce que nous faisons, c’est finalement le principal. Néanmoins, cette analyse va totalement à l’encontre de ce que pensent la plupart des parents. Aujourd’hui, on demande à tous d’être polyvalent, alors on éduque les enfants à la performance. Et finalement à vouloir être toujours le premier partout et en faire son obsession principale, on passe peut-être à côté de l’essentiel.

Tout en haut est également un bel exemple de critique de l’anthropocentrisme puisque c’est finalement le singe qui, profitant de la montagne créée par les autres animaux, parvient à atteindre le sommet. Sur l’avant dernière image, c’est lui qui semble avoir gagné. Mais si l’on change de point de vue, on constate que le singe/l’homme n’est qu’une créature parmi les autres.  »

Les œuvres de Mario Ramos sont assurément des textes à lire à plusieurs niveaux. Le site internet de l’auteur propose d’ailleurs, pour chacun des albums, des secrets de lecture, les couvertures traduites dans différentes langues mais aussi une série de dessins d’enfants.

On trouve également sur le site un documentaire de 26 minutes intitulé Mario Ramos, le monde à l’envers.

Mario Ramos nous a quittés, mais ses œuvres continueront d’animer les lectures de nos enfants et de les faire réfléchir au sens de la vie.

« Être le plus fort et le plus méchant, c’est très facile, c’est à la portée du premier imbécile venu ; mais être le plus fort et le plus gentil, c’est être vraiment très fort. »
Mario Ramos

Vincianne d'Anna
Décembre 2012

crayongris2Vincianne d'Anna est journaliste indépendante.

 

 


 

Depuis quelques jours, le net fourmille d’hommages rendus par des proches, des collègues, des amis : http://www.ecoledesloisirs.fr/mario-ramos.php
http://lu-cieandco.blogspot.be/2012/12/le-triste-mario-ramos-est-mort.html